L'édito de Adèle Morerod - «Miroir, miroir, dis-moi qui je suis…»

Le 28 novembre 2018

«Pourquoi couvrir tous les films?» La question a été plusieurs fois adressée à Ciné-Feuilles. Pourquoi, en effet, alors que cela représente beaucoup de travail et beaucoup de mauvais films à visionner? Ne serait-il pas plus simple de réduire la masse et de recommander à nos lecteurs et lectrices le meilleur du cinéma d’aujourd’hui?

Mais une autre question se pose alors: qu’est-ce que le meilleur du cinéma d’aujourd’hui? Chacun a ses critères, plus ou moins largement partagés: c’est le cinéma d’auteur contre les grosses productions anonymes, le genre dramatique contre le comique, le film indépendant libanais contre le blockbuster américain. Toutes ces oppositions sont des constructions de longue date, établies notamment par une critique souvent plus prompte à prendre le parti des premiers que des seconds.

Dès lors, nous pourrions suivre le mouvement et garder uniquement dans ce numéro Les Veuves, le dernier film de Steve McQueen, auteur des encensés Hunger et 12 Years A Slave. Et avec lui, Liquid Truth, Voyage à Yoshiro ou encore Los Fantasmas Del Caribe, films respectivement brésilien, japonais et colombien, qui donnent à voir d’autres parties du monde à travers des thématiques universelles, traitées sensiblement.

Et pourtant, dans ces mêmes pages, vous trouverez la critique plutôt enthousiaste du deuxième opus des Animaux fantastiques, prolongation de l’univers de Harry Potter. Sans nul doute, le film rencontrera plus de spectateurs que celui de Naomi Kawase. Mais en quoi le goût de ce public-là serait-il à exclure? De telles productions (voir également l’adaptation de Casse-noisette ou la nouvelle version de Robin des Bois) n’ont-elles pas aussi quelque chose à nous dire sur notre monde? Ne témoignent-elles pas, en l'occurrence, d’une volonté de revenir aux mythes, à la féerie, trop absents en ces temps compliqués?

Qui peut trancher? Sans chercher à conclure ce vieux débat, nous nous contenterons de réaffirmer la position de Ciné-Feuilles : la diversité de regards qui nous est chère n’existe que parce qu’elle se penche sur une toute aussi grande diversité de films. Comment se construire un point de vue auquel on tient, s’il n’y a pas d’autrui contre qui le défendre?