L’esclavage dans les années 1840 a été quasiment ignoré par le cinéma américain qui, jusqu’ici, a préféré se concentrer sur la lutte antiségrégationniste et la guerre de Sécession, une page de l’histoire américaine moins honteuse que celle qui a précédé. C’est cette première période escamotée par les cinéastes que le réalisateur Steve McQueen a choisi de montrer dans toute son effarante cruauté. Pour la première fois c’est un réalisateur noir, l’Anglais Steve McQueen, qui empoigne l'histoire des afro-américains et qui reconstitue sur grand écran cette période de l’esclavage que ses ancêtres ont connue, comme il l’explique dans une récente interview à propos de son troisième film, 12Twelve Years as a Slave. Il s’est inspiré très fidèlement de l’autobiographie détaillée de Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor), un afro-américain libre dans l’Etat de New-York, marié et père de trois enfants, qui fut kidnappé à l’âge de trente-trois ans à Washington et vendu comme esclave en Louisiane à des maîtres sadiques, dont l’un, méfiant à son égard (Michael Fassbender), cherche à briser son esprit rebelle et à le réduire à l’état d’objet. Northup, plutôt que d’accepter son sort pour survivre comme les autres esclaves de la plantation le lui conseillent, veut garder sa dignité: même battu, enchaîné, torturé, pendu à un arbre toute une journée en pleine chaleur, il ne plie pas intérieurement. De ce Sud profond, peu d’esclaves ont pu s’échapper. Après douze ans de calvaire, Northup a été libéré grâce à un charpentier baroudeur canadien (Brad Pitt hirsute et méconnaissable), qui accepte de lui donner un coup de main en envoyant une lettre pour qu'on vienne le délivrer en prouvant qu’il est bien un homme libre. Steve McQueen alterne longs plans fixes, parfois sur des visages tordus par la douleur sous les supplices ou les viols répétés, et plans séquences contemplatifs et poétiques. Mais à insister lourdement et longuement sur les tortures sadiques infligées aux esclaves, tout à fait réelles historiquement, on inflige au spectateur une sauvagerie et une inhumanité dont il n’est pas responsable et qui devient pesante, voire insoutenable. Pas forcément plus didactique. L’horreur reste l’horreur, même sans qu’on ait besoin d’insister longuement pour en montrer toutes les perversités.