The House That Jack Built

Affiche The House That Jack Built
Réalisé par Lars von Trier
Titre original The House That Jack Built
Pays de production Danemark
Année 2018
Durée
Genre Drame, Thriller
Distributeur Eilite
Acteurs Bruno Ganz, Matt Dillon, Uma Thurman, Siobhan Fallon, Riley Keough, Sofie Gråbøl
Age légal 18 ans
Age suggéré 18 ans
N° cinéfeuilles 803
Bande annonce (Allociné)

Critique

Jack raconte à Verge (renvoyant au Virgile de La Divine Comédie de Dante) cinq «accidents», formant les cinq chapitres du film, qui ont pavé sa vie et ont fait de lui un tueur en série, surnommé Mr. Sophistication. Jack a en effet une certaine ambition d’esthète et met en scène ses victimes dans des tableaux qu’il photographie. Le spectateur est ainsi confronté à un esprit dérangé, et cependant fascinant à plusieurs égards, ce en grande partie grâce à la performance de Matt Dillon.
On pourrait soi-même passer pour un psychopathe en avouant avoir apprécié l’expérience qu’est The House That Jack Built, et pourtant il recèle de multiples qualités en dépit de son histoire de serial killer pouvant sembler peu originale. Il faut toutefois être averti: certaines scènes sont très violentes (graphiquement et/ou psychologiquement) et l’humour noir qui parcourt le film (la chance providentielle de Jack, le baratin qu’il sert, ses TOC, la musique entraînante qui offre un contrepoint à l’action morbide) amuse autant qu’il met mal à l’aise. Autre avertissement: selon sa perspective, on peut soit être tout à fait enthousiasmé soit absolument agacé par la dimension «arty» et parfois autoréferentielle du film, car ce dernier présente plusieurs références littéraires et artistiques et est parcouru d’inserts explicatifs, illustratifs ou simplement absurdes.
     Lars von Trier tient également à travers les meurtres un discours social et semble se positionner (mais peut-être tout cela n’est que manipulation) sur certaines questions. Il paraît émettre un mea-culpa sur les propos qu’il avait tenus à Cannes mais se montre en même temps provocateur sur d’autres sujets (la domination masculine, le mouvement #metoo). Il dynamite également le modèle de la gentille petite famille américaine parfaite, dont les membres portent une casquette rouge qui fait écho à celle popularisée par un certain président… La manière dont les victimes ou leur entourage réagissent dépeint également la relation de la société à la violence et à la souffrance des autres: une société qui s’offusque tout en affichant les meurtres dans les journaux pour pouvoir mieux en profiter, qui ne fait absolument rien pour aider ou refuse de voir la réalité en face, qui s’amuse même de l’existence de la cruauté.
     On pourrait faire davantage d’observations et d’interprétations sur ce film foisonnant, ou juste tenter de résumer The House That Jack Built par une sélection d’adjectifs: déroutant, dérangeant, stimulant la réflexion, exubérant et, il faut bien le dire, très intéressant.

Amandine Gachnang


Dans un mystérieux voyage qui se passe hors champ, Jack (Matt Dillon) se confesse à Verge (Bruno Ganz) et fait le bilan de son existence de… serial killer dans les USA des années 70. Plus précisément, il décrit en cinq «incidents» comment ses meurtres composent les briques de sa cathédrale, son œuvre.
Là, il faut trier! Si Lars Von Trier vous a largué depuis sa dépression antéchristique, fuyez ce film qui cumule tous les traits du film trierien postmoderne. Récit découpé en chapitres, voix off sentencieuse et démonstrative, scènes de mutilation difficilement soutenables et alors qu’on croyait y échapper, longs plans au ralenti tout droit sortis d’un cours d’histoire de l’art. Par contre, pour peu qu’on soit sensible à son cinéma, The House That Jack Built devient une œuvre fascinante, dense, provocante et dérangeante. Avec le personnage de Jack, le réalisateur signe un autoportrait en réaction à «l’incident» de Cannes 2011. Petit rappel: il avait été déclaré persona non grata suite à une conférence de presse dans laquelle il exprimait sa sympathie pour Adolf Hitler et son goût pour l’architecture d’Albert Speer, tout en cumulant des pirouettes ironiques sur le nazisme. Ce film est, entre autres, une explicitation directe de ses propos. Pendant 2 h 35, Jack explique à l’acteur qui interpréta Hitler dans La Chute (Bruno Ganz) comment l’artiste qu’il est se doit d’être cynique pour garder sa liberté. Difficile de ne pas voir non plus une réaction du réalisateur accusé de misogynie et de harcèlement suite à la vague #metoo lorsque son personnage entasse les cadavres de femmes mutilées devant son objectif, déclarant que l’homme naît coupable et la femme victime. S’il ne fait pas dans la dentelle, le réalisateur questionne la démarche créative sans jamais l’affirmer, sauvant ainsi le film d’un nombrilisme complaisant. Il s’amuse également à parsemer son œuvre d’innombrables références artistiques, de Dante à Glenn Gould, en passant par Blake ou Bosch. Nous avons affaire donc à un film qui ne choisit pas la facilité et n’est pas exempt de défauts. Néanmoins, à l’heure où le politiquement correct gagne du terrain, la projection d’un tel film sur la Croisette est rassurante.

Blaise Petitpierre


Nul doute,le réalisateur danois sait filmer, mais cela est-il suffisant ? Le débatest ouvert quand on découvre ce film relatant l’histoire d’un tueur en série. Celui qui revendique une soixantaine de crimes (Matt Dillon) s’est décidé à en raconter quelques-uns à Verge (pour Virgile ?), un interlocuteur invisible (Bruno Ganz). S’il les a retenus, c’est qu’il les considère comme ses chefs-d’œuvre, en les explicitant avec de fumeuses théoriques esthétiques faisant écho à l’architecture gothique. De telles considérations laissent cependant songeur, malgré quelques beaux extraits de Glenn Gould au piano et du poète William Blake, si l’on est attentif aux références à Albert Speer (le grand architecte d’Hitler) et à l’horreur presque insoutenable (meurtres d’enfants) qui se dégage de plusieurs scènes. Finalement, le tueur découvre l’enfer décrit par Dante, mais évidemment avec une lourdeur inverse à celle du poète italien. Démesure, outrance, scandale…, Lars von Trier veut qu’on parle de lui. Or le mieux qui puisse arriver à sa dernière réalisation est qu’elle sombre immédiatement dans l’oubli.

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 5
Blaise Petitpierre 16
Amandine Gachnang 15