Critique
"WALLACE ET GROMIT, vous connaissez? Ces épatants courts métrages pleins d'humour, avec des personnages en pâte à modeler animés de main de maître? Ils ont valu des Oscars à leurs auteurs, de même que L'AVIS DES ANIMAUX.
Pour nous régaler, voici un succulent long métrage à la sauce poulette... Il y a fallu les dollars de DreamWorks, car une telle réalisation coûte les oeufs - pardon, les yeux... - de la tête. Trois cents figurines d'une trentaine de centimètres, cent trente d'une dizaine, un parc avicole miniature en trois dimensions long de dix-huit mètres; des têtes, becs et yeux amovibles, avec une soixantaine d'expressions différentes en fonction de l'articulation des mots. Une machine à chewing-gum reconvertie pour malaxer et colorer la pâte. Une quarantaine d'animateurs pour modifier les attitudes des personnages à raison de vingt-quatre images par seconde (on est à des années-lumière des dessins ""animés"" japonais). Des éclairages savants, des costumes et des accessoires recherchés, bref, un vrai cinéma en miniature!
Comme le titre et les propos ci-dessus le laissent entendre, l'action se passe dans une ferme avicole, quelque part dans le Yorkshire. Les premières images font instantanément comprendre que les malheureuses poules pondeuses vivent dans un univers concentrationnaire: baraquements uniformes alignés au cordeau, couchettes superposées, mirador, clôture de barbelés, et le fermier qui fait des rondes nocturnes en compagnie de deux molosses aussi engageants que des pitbulls. Clin d'oeil évident à LA GRANDE EVASION - et d'autres citations ne manquent pas: STALAG 17, CERTAINS L'AIMENT CHAUD, PSYCHOSE...
Ginger l'intrépide ne supporte plus l'idée que les mauvaises pondeuses passent à la casserole, et multiplie les plans d'évasion; elle paie ses tentatives de séjours au cachot, mais ne désespère pas. Elle tente de faire affaire avec deux rats, margoulins qui lui procurent toutes sortes d'accessoires, mais à prix (de poule aux oeufs) d'or... La situation devient urgente lorsque la fermière, l'acariâtre et cupide Mrs Tweedy, fait l'acquisition d'une machine perfectionnée d'où une poule vivante sort sous la forme d'une croustade au poulet. Surgit alors, par la voie des airs, Rocky, ""coq-boy libre et solitaire"". Pourra-t-il apprendre aux malheureuses pondeuses à s'envoler vers des cieux plus cléments? Le vieux coq du parc avicole, baderne ressassant ses souvenirs de vétéran de la RAF et lustrant ses décorations, essaie de lui rabattre le caquet. Avec d'autant plus de succès qu'il s'avère que Rocky, loin de savoir voler, n'est qu'un ""coq-canon"" évadé d'un cirque...
Au-delà de l'exploit technique et d'une hilarante galerie de caractères dignes de la comédie humaine, CHICKEN RUN, sans moralisme, fait l'apologie de la persévérance, du courage et de l'esprit positif. Avec d'excellentes musiques, c'est un joyeux pied-de-nez aux partisans du rendement à tout prix et de tous les embrigadements; c'est un tonifiant hommage à des créatures qui ne veulent pas passer pour des hommelettes...
La version française promet d'être au diapason, avec les voix de Valérie Lemercier (Ginger), Gérard Depardieu (Rocky), Henri Guybet, Josiane Balasko et d'autres."
Daniel Grivel
