La Chimère

Affiche La Chimère
Réalisé par Alice Rohrwacher
Titre original La Chimera
Pays de production Italie, France, Suisse
Année 2023
Durée
Genre Comédie dramatique
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Isabella Rossellini, Alba Rohrwacher, Josh O'Connor, Carol Duarte, Vincent Nemolato
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 912

Critique

Narrant les aventures d’un groupe d’archéologues pirates, La Chimère affirme le réalisme poétique d'Alice Rohrwacher comme l’un des styles les plus intéressants du cinéma contemporain.

Le réel est une quête. Telle pourrait être la maxime résumant l’axiome esthétique de La Chimère. Invitant son spectateur à voir l’invisible, ou plutôt l’enfoui - le geste paradigmatique du film étant celui de creuser -, la cinéaste italienne cartographie cette zone si magique au cinéma: l’interstice entre le monde matériel et le surnaturel. Le fantastique est ici un trouble léger, une distorsion subtile du réel. Il ne s’affirme jamais comme une instance spectaculaire, mais repose au contraire sur des effets narratifs et formels très simples. La recette: donnez d’abord un pouvoir magique à votre protagoniste, ici Arthur (Josh O’Connor), celui de ressentir le vide sous la terre, et donc d’y déceler la présence de vestiges archéologiques. Émotion enfantine du spectateur face au paranormal. Motif ludique et primitif de la chasse au trésor. Ménagez ensuite dans votre récit des digressions, des sorties de route narratives que d’aucuns qualifieraient de poétiques; comme ce très beau moment de musique où des aèdes modernes chantent les aventures de notre bande d’archéologues illégaux, les inscrivant dans une série de mythes. Épousez ensuite tous les points de vue du monde, y compris ceux des objets, comme dans ce «cut» tout à fait stupéfiant qui nous fait passer du regard d’Arthur sur terre à celui de reliques multiséculaires sous terre. Terre saturée d’histoires déposées par l’Histoire. Fantômes. Chimères.

Cependant, là où Rohrwacher manque le très grand film, c’est lorsqu’elle banalise son récit en lui donnant une source psychologique, voire doloriste. Nous apprenons en effet assez rapidement qu’Arthur a perdu sa compagne et que son don est une manifestation de son aspiration à la retrouver sous une forme post mortem. Arthur est attiré par le vide car il est lui-même prisonnier du vide propre au deuil, les tombes étrusques qu’il découvre faisant écho à la tombe de la défunte. Ce tissage métaphorique reconstitue une balise interprétative et narrative, là où la puissance du métrage résidait au contraire dans l’errance, la digression et la perte. De la même manière, le personnage d’Italia (Carol Duarte) est placé dans le film comme un pur contre-champ aux exactions perpétrées par Arthur et sa bande, incarnant une certaine droiture morale - elle s’oppose clairement aux pillages clandestins qu’ils commettent - à laquelle Arthur va finalement se soumettre puisqu’il sera ramené «sur le droit chemin». La Chimère restera donc comme une œuvre souvent brillante, mais frustrante car ne portant pas ses géniales intuitions au bout de leur potentiel esthétique.

Tobias Sarrasin

Appréciations

Nom Notes
Tobias Sarrasin 15