Le Ravissement

Affiche Le Ravissement
Réalisé par Iris Kaltenbäck
Titre original Le Ravissement
Pays de production France
Année 2023
Durée
Musique Alexandre de la Baume
Genre Drame
Distributeur Xenix
Acteurs Nina Meurisse, Hafsia Herzi, Alexis Manenti
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 908

Critique

Le visage de Lydia change soudain, son ami l’a trompé, elle le quitte, et la lumière de ses traits s’efface, un regard sombre et brisé la remplace. Lydia se retrouve éperdument seule, sans famille et sans amour. À l’exception de Salomé, sa meilleure amie de toujours dont elle apprendra le soir même un événement inattendu, sa grossesse.

D’emblée, le classicisme de sa mise en scène et sa voix off d’un autre temps nous refroidit, questionnant déjà sur la pertinence de ce trouble portrait de femme. Hafsia Herzi est habitée, prend le cadre, mais ses cernes de détresse ne pourront soutenir à elles seules tout le poids de la dramaturgie du film. Rapidement, l’on comprend qu’un drame se dessine, et Kaltenbäck (dont c’est le premier long métrage) ne cesse d’appuyer la terrible solitude maladive de Lydia, petit être abandonné dans un appartement (forcément) miteux, engloutissant un plat de pâtes bolo sur un matelas au sol tout en écoutant avec (dés)espoir un couple coïter de l’autre côté de la mince paroi de son studio. Elle qui ne vit que pour son travail de sage-femme (là encore la proximité avec l’amour maternel en surappui), enchaînant les nuits de garde pour s’éviter de faire face à la terrible réalité de son isolation sociale. Le tableau est planté, il faut donc un élément de bascule. Il y en aura deux, d’un côté la naissance de la fille de Salomé, dont Lydia ira jusqu’à décider de son prénom, et de l’autre, une rencontre nocturne fortuite avec Milos, un chauffeur de bus parisien (et conteur de l’histoire en voix off). Une histoire qui ne devait durer qu’un instant, celui d’une nuit, mais qui entraînera Lydia dans un cercle immoral de mensonge et de trahison, jusqu’au drame tant annoncé.

Il y a là la vraie qualité du film, le portrait d’une femme complexe, à la morale souvent abjecte, manipulatrice et déboussolante de rouerie, puis touchante, d’une sensibilité maternelle innée. Mais qu’en fait Kaltenbäck? Et bien pas grand-chose. Ce qui s’apparentait à son début en qualité se transforme rapidement en vil défaut, celui d’un angle perdu, d’une clarté de ton paumé, d’une écriture grossière et illisible. Alors nous voilà au milieu de ce bateau à la dérive, baigné d’une empathie malaisante, tentant de comprendre l’impardonnable (le délit de «ravissement» de l’enfant de Salomé pour faire miroiter à Milos sa fausse paternité, se croyant père de cet enfant d’une autre): Lydia est-elle atteinte d’un trouble psychiatrique (et cette distorsion glaçante de la réalité et sa mythomanie sévère)? Une manipulatrice de premier ordre, cette femme brillante potentiellement calculatrice? Un peu des deux probablement, mais le film ne semble jamais vouloir se confronter à ses questionnements, diverger sa mise en scène vers de l’à-peu-près et un non-sens du détail (la redite de scènes de mensonges répétés: avec sa meilleure amie, puis sa fausse belle-famille, le test de paternité truqué…) sans jamais affronter vigoureusement le réel enjeu du film: qui est Lydia? Et qu’est-elle censée représenter?

Malgré une très grande Hafsia Herzi (on se demande bien où serait le film sans elle), le film s’essouffle très vite et en vient même à rater sa conclusion d’un vent d’espoir moralement douteux. Le Ravissement copine donc dangereusement avec l’anecdotique, à l’image d’un fait divers en seconde page d’un canard froissé («Une femme vole un bébé et s’échappe en Normandie») à faire pâlir d’envie le 20 minutes. Là où Saint Omer d’Alice Diop partait d’un fait divers effroyable (une mère tuant son nouveau-né) pour en tirer une lecture universelle magistrale sur la maternité, Kaltenbäck n’arrive jamais à s’y soustraire livrant un film bien trop factuel.


Pierig Leray

Appréciations

Nom Notes
Pierig Leray 11
Kevin Pereira 4