Yannick

Tourné en six jours (mais après plusieurs semaines de répétitions), le nouveau film du prolifique Quentin Dupieux est un huis clos désopilant et habilement écrit, sélectionné cette année en Compétition internationale au Festival de Locarno.

Dans un théâtre parisien, deux comédiens et une comédienne sont sur scène pour interpréter un vaudeville subtilement intitulé Le Cocu, à grand renfort de répliques scatologiques et de quiproquos improbables. Mais soudain, une voix se lève dans le public: Yannick, gardien de nuit, trouve le spectacle désolant. Il s’adresse donc aux interprètes et se plaint d’avoir bloqué sa soirée, de s’être déplacé depuis son domicile en banlieue et d’être contraint de subir une représentation qu’il juge de piètre qualité. Le ton monte jusqu’à ce que Yannick, vexé, sorte un revolver et prenne les acteurs et le public en otage: personne ne quittera les lieux tant qu’il n’aura pas eu l’occasion de faire jouer aux protagonistes un spectacle de son cru…

Avec ce huis clos aux accents méta - tout se passe dans la salle de théâtre -, Dupieux parvient à tenir son spectateur ou sa spectatrice en haleine tout en laissant une place pour de francs éclats de rire. Comme à son habitude, il s’appuie sur une écriture comique maîtrisée et des acteurs inspirés, à commencer par l’inénarrable Raphaël Quenard, parfait en personnage issu des classes populaires à qui on ne la fait pas, mais aussi Pio Marmaï, Sébastien Chassagne et Blanche Gardin, parfaits en comédiens et comédienne de seconde zone convaincus de proposer une pièce de bon goût - contrairement à celle que prétend écrire Yannick, qu’ils considèrent comme un imbécile. De fait, la réflexion qui se dessine en filigrane peut rappeler les thématiques abordées par Agnès Jaoui dans son génial Le Goût des autres (2000): qui que l’on soit, l’on est toujours le péquenaud de quelqu’un d’autre…

La seule réserve qui pourrait être exprimée au sujet de Yannick concerne la relative homogénéité des classes sociales moquées: si les personnages sur scène se sentent supérieurs à Yannick et ses goûts de prolétaire, ils n’en demeurent pas moins des interprètes de vaudeville, un genre qui demeure avant tout populaire. On aurait aimé que les milieux généralement associés au «bon goût» artistique, en bref, les bobos - dont Dupieux comme ses adeptes font généralement partie - en prennent aussi pour leur grade… Une prochaine fois, peut-être!