Nimona

Affiche Nimona
Réalisé par Nick Bruno, Troy Quane
Titre original Nimona
Pays de production USA
Année 2023
Durée
Musique Christophe Beck
Genre Animation, Fantasy
Distributeur Netflix
Acteurs Frances Conroy, Riz Ahmed, Chloë Grace Moretz, Eugene Lee Yang
Age légal 13 ans
Age suggéré 13 ans
N° cinéfeuilles 903

Critique

Pour qui ne suit pas activement le monde du cinéma d’animation et de la bande dessinée, Nimona semblera une sortie obscure. Mais parmi les comédies oubliables et blockbusters estivaux, ce film adapté d’un webcomic queer, quoique loin d’être un chef-d’œuvre, est une bouffée de fraîcheur et d’originalité, qui rappelle par moments le génie de la franchise Shrek.

 

Une légende raconte que par le passé, un monstre géant menaçait d’engloutir l’Humanité. Toutefois, une jeune héroïne nommée Gloreth repoussa la bête. Mais celle-ci pourrait réapparaître un jour… 1000 plus tard, dans un royaume futuriste/médiéval, la défense contre la menace (toujours invisible) des monstres est assurée par un institut de chevaliers d'élite. Ballister Boldheart (Riz Ahmed) est le premier roturier à être adoubé, sur une décision de la reine qui souhaite briser les traditions. Au cours de la cérémonie d'adoubement, la reine est assassinée et Ballister est accusé du crime. Obligé désormais de vivre en paria, Ballister se cache. C’est alors qu’il rencontre Nimona (Chloë Grace Moretz), un métamorphe qui apparaît sous les traits d'une adolescente. Ensemble, ils tenteront de dévoiler le complot derrière le régicide.


Nimona est un roman graphique publié sur le web entre 2012 et 2014 par ND Stevenson, puis imprimé et traduit en 16 langues en 2015. Récompensée de nombreux prix, cette bande dessinée est notamment célèbre pour sa représentation subtile et organique de l’identité queer et des thèmes LGBT. L’idée de l’adapter en film est née en 2015 et Blue Sky Studios (L’Âge de Glace, Rio) devait s’en charger. Mais lorsque Disney racheta 20th Century Fox, dont Blue Sky était une branche, le projet fut tout bonnement censuré et abandonné en raison de ses personnages gays. Disney est même allé jusqu’à dissoudre Blue Sky. Heureusement, Annapurna Pictures (qui produit aussi des jeux vidéo connus pour leur haute qualité artistique) en racheta les droits en 2021, et Netflix se proposa d’en être le distributeur international. Le film a donc pu être complété, et est sorti en salles américaines le 23 juin, et sur la plateforme de streaming une semaine après.


Disney se targue de sortir des productions qui appellent au décloisonnement des races et des classes, comme le nouveau Elemental, mais quand deux hommes se prennent la main, alors là, c’est une déclaration de guerre. Nimona a sans doute dérangé Disney car ce n’est pas du cinéma queer – c’est juste du cinéma où être queer apparaît comme une réalité quotidienne. C’est un film où la question de la fluidité des identités n’est pas un slogan ni un genre, mais une évidence à partir de laquelle l’intrigue se construit. Autrement dit, il est plus rassurant pour les producteurs d’endiguer le queer dans un sous-genre que de l’incorporer organiquement dans les médias courants.


Car le véritable propos de Nimona est la notion de monstre. La société médiévo-futuriste du film vit à l’intérieur d’un mur censé les protégés d’une menace qu’ils admettent n’avoir jamais vue. Les chevaliers s’entraînent donc contre des pantins : leur ordre est de la poudre aux yeux. Il y a donc deux types de monstres : le bas peuple incarné par Ballister, et l’inhumain que représente Nimona. Et encore, l’étrangeté (qui, on le rappelle, peut traduire le mot anglais de queerness) de cette dernière est ressentie comme monstrueuse uniquement parce qu’elle peut se métamorphoser en quoi que ce soit : animal, plante et autres humains. Et les scénaristes laissent au spectateur le soin d’en tirer leurs propres conclusions.


Enfin, si la patte graphique n’est pas le point fort du film malgré des moments mémorables de transfigurations esthétiques, son écriture, elle, rappelle l’humour autoréférentiel des premiers Dreamworks. Le ton n’oscille pas entre le sérieux et le léger, mais trouve un juste milieu où le sérieux peut être interrompu par une blague sans perdre de sa profondeur – et réciproquement. Malgré ses défauts donc, Nimona mérite amplement la première page de ce numéro.

Anthony Bekirov

Appréciations

Nom Notes
Anthony Bekirov 13