Tirailleurs

Affiche Tirailleurs
Réalisé par Mathieu Vadepied
Titre original Tirailleurs
Pays de production France, Sénégal
Année 2022
Durée
Genre Drame, Historique, Guerre
Distributeur Ascot Elite
Acteurs Omar Sy, Jonas Bloquet, Alassane Diong, Bamar Kane, Alassane Sy, Clément Lankoulo Thomas Sambou
N° cinéfeuilles 891

Critique

Et si le soldat inconnu enterré en 1920 sous l’Arc de Triomphe était africain ? 

Chercher à faire acte de mémoire collective au travers d’un film est une démarche à la fois audacieuse et ambitieuse. Défi en partie relevé par Mathieu Vadepied.

 

Sélectionné à Cannes dans la section un Certain Regard, ce second long métrage réalisé par un ancien directeur de la photographie auprès de Nakach et Toledano — « Intouchables » (2011) et « Le sens de la fête » (2017) — a le mérite de faire exister des soldats africains au premier plan dans l’imaginaire cinématographique francophone de la Première Guerre mondiale.

Outre une facture formelle de qualité, et assez efficace, le film est porté par la performance du duo d’acteurs formé par Alassane Diong et Omar Sy. On notera également le travail minutieux de reconstitution historique mené au travers du soin porté aux décors, et aux costumes. Ainsi que le choix heureux des dialogues notamment en wolof et en peule entre les recrues africaines


Les premières minutes du film plongent le spectateur dans l’extrême violence de la conscription forcée d’Adama, miroir des rapports de force entre colonisateurs et colonisés. Entre 1918 et 1920, ce sont près de 200 000 ressortissants africains, issus de divers territoires du Second Empire français, qui ont participé à l’effort de guerre français en uniforme bleu-cyan.

Cette guerre des nationalismes exacerbés, et de l’enlisement dans les tranchées n’est pas la leur, mais on leur a fait une promesse : « Après cette bataille, vous ne serez plus des indigènes, vous serez des Français ! »

Enrôlés de force en grand nombre, c’est en soldats de seconde zone qu’ils tentent de survivre, une fois débarqués sur le Vieux Continent. Envoyés en première ligne au front, ils subissent une ségrégation de tous les instants dans un univers militaire où les conditions sont pourtant réputées égalitaires entre soldats de même rang.

Dans un contexte où la hiérarchie des races est un cadre de pensée bien présent, le lieutenant Chambreau nomme Adama caporal. Une décision qui semble mêler intimement réalisme et opportunisme. En effet, le gradé français opte pour cette solution face à la perte de plusieurs de ses officiers. Ce qui place Adama dans un profond conflit de loyauté, tiraillé entre celle qu’il doit à son père, et celle qu’il pense devoir à l’armée française.


Le choix délibéré de donner à voir, de leur point de vue, les réalités quotidiennes de ceux qu’on nomme encore souvent abusivement les tirailleurs sénégalais fonctionne plutôt bien. Malheureusement, c’est également du côté de l’écriture du film que ses failles les plus importantes sont à pointer. Ce qui dessert le propos global à la fois nécessaire et courageux.

Outre certaines longueurs, la trame narrative s’apparente à l’empilement d’une série de saynètes sur les épopées d’un soldat africain, et de son père. Elles relatent les multiples tentatives de ce dernier, joué par Omar Sy, conscrit volontaire parti rejoindre son fils pour tenter de le convaincre de déserter.

L’intrigue tombe à plusieurs reprises dans l’écueil d’un pathos bon marché, sans pour autant réussir à émouvoir véritablement le spectateur. Le manque d’épaisseur psychologique des personnages en est probablement la raison principale.


À vouloir trop bien faire son devoir de mémoire, le réalisateur livre un film un peu scolaire qui se laisse regarder, malgré un trop plein de bons sentiments.


Noémie Baume

Appréciations

Nom Notes
Noémie Baume 12