Le Lycéen

Affiche Le Lycéen
Réalisé par Christophe Honoré
Titre original Le Lycéen
Pays de production France
Année 2022
Durée
Musique Yoshihiro Hanno
Genre Drame
Distributeur Adok films
Acteurs Juliette Binoche, Pascal Cervo, Vincent Lacoste, Paul Kircher, Erwan Kepoa Falé, Adrien Casse
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 890

Critique

Le nouveau long métrage de Christophe Honoré saisit l’ébranlement d’un adolescent suite à un événement tragique. La vie d’avant lui apparaissant alors comme insensée, il devra atteindre l’abîme avant de refaire surface.

Une palette de couleurs glaciales et tranchantes résonne avec les paysages montagneux et austères. C’est dans ce décor qu’intervient un drame dans la vie de Lucas, 17 ans. En effet, son père est victime d’un premier accident de voiture, sans conséquence, durant la journée, en le déposant à l’internat, d’un second, fatal, le soir. Par ce récit, le cinéaste se confronte à un épisode de son passé: la mort de son propre père lorsqu’il n’avait que 15 ans. De cette manière, il a essayé, livre-t-il lors d’un entretien, de faire renaître les émotions d’alors et «leurs caractères chaotiques, bouleversés et imprévisibles». Des plans serrés cherchent ainsi à les retenir, le tout dans un format cinémascope qui fragmente les visages.

Grâce à la performance, récompensée au Festival de San Sebastian, de Paul Kircher se révèle la confusion des émotions durant les semaines qui suivent la nouvelle et la recherche à tout prix d’une anesthésie, illusoire, de la souffrance à travers des plaisirs furtifs, des partenaires éphémères. Lors d’un montage alterné entre une discussion avec un prêtre et un ébat sexuel avec un inconnu, est signifiée la volonté du protagoniste d’une résurrection par la multiplication des rapports sans lendemain. Car avec les proches, sa contenance est toujours menacée par leurs réactions imprévisibles, perçues comme des attaques susceptibles de le réduire à néant, de trancher sa fine peau protectrice.

D’excellents partenaires de jeu lui donnent la réplique. Juliette Binoche interprète avec justesse Isabelle, sa mère. Vaillante, elle trouve dans le sourire et la tendresse des boucliers contre l’effondrement. Vincent Lacoste quant à lui se glisse dans le rôle du frère, un artiste partit à Paris pour percer, qui cache sa jovialité enfantine et son affection sous des airs d’indifférence. Erwan Kepoa Falé est également remarquable dans le rôle du colocataire de Quentin. Une présence imposante, nécessaire à Lucas, et pourtant discrète.

L’œuvre de Christophe Honoré est, ces dernières années, traversée par la mort. Au théâtre, ses idoles homosexuelles enterrées reprennent chair dans la pièce homonyme et les membres de sa famille décédés côtoient les vivants sur l’espace scénique - qui s’apparente à l’espace mental du metteur en scène - dans Le Ciel de Nantes. Chambre 212 (voir CF n. 821) repose sur ce même principe; la vie passée et les personnes qui l’habitent ressurgissent à l’intérieur de la chambre susmentionnée. Dans Plaire, aimer et courir vite (voir CF n. 791), sans doute le meilleur film du cinéaste, l’éphémère vient draper la toile de fond tragique d’une saveur particulière.

Bien qu’il s’inscrive dans la continuité des autres œuvres par la thématique traitée, Le Lycéen n’en demeure pas moins en rupture: le regard est ici porté frontalement sur les conséquences violentes et sanglantes du désespoir. Paradoxalement, il n’atteint qu’à de rares occasions la profondeur souhaitée dans laquelle la joie trahirait une tristesse inconsolable. De plus, certains choix narratifs se justifient difficilement. C’est le cas par exemple du récit rétrospectif de Lucas, qui dans des plans face caméra narre les événements, en distillant, maladroitement, ses pensées et actions.

Le long métrage n’est pas non plus sans rappeler, par son sujet, le chef-d’œuvre de Paolo Sorrentino, È stata la mano di dio (voir CF n. 869), qui parvient toutefois bien mieux à faire ressentir le baume de la vanité quand le sens vient à manquer.


Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 12