Ma belle-famille, Noël, et moi

Affiche Ma belle-famille, Noël, et moi
Réalisé par Clea DuVall
Titre original Happiest Season
Pays de production U.S.A., Canada
Année 2020
Durée
Musique Amie Doherty
Genre Romance, Comédie
Distributeur eOne Films / Hulu
Acteurs Kristen Stewart, Mary Steenburgen, Aubrey Plaza, Alison Brie, Mackenzie Davis, Daniel Levy (VII)
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 854

Critique

L’actrice devenue réalisatrice Clea DuVall nous offre une version queer des films de Noël présentant les rapports tendus d’une famille en apparence parfaite. Non dénué de petits défauts, ce long métrage réussit tout de même à émouvoir et séduire.

Abby (Kristen Stewart) s’apprête à passer Noël chez la famille de sa petite amie Harper (Mackenzie Davis). Seulement, cette dernière ne leur a pas encore annoncé qu’elle était lesbienne. Les deux femmes vont devoir alors jouer le rôle de colocataires hétéros pendant une semaine. Une situation déjà délicate, mais qui se complique encore lorsque le séjour ne s’annonce pas de tout repos…

Ne vous laissez pas berner par le titre francophone de cette réalisation: non, il ne s’agit pas d’une énième suite à la saga mettant en scène Ben Stiller et Robert De Niro. L’humour y est plus fin (même si on n’échappe pas à une ou deux scènes un peu absurdes et invraisemblables) et les personnages davantage multifacettes. Quelques blagues comportent même un sous-texte sur les problèmes malheureusement bien connus de la communauté LGBTQIA+.

En devant mentir sur sa relation avec Harper, Abby est donc obligée de retourner «dans le placard». Or, c’est là que la mère de la première retrouve la deuxième, qui s’y était dissimulée alors qu’elle rejoignait secrètement sa compagne dans sa chambre. Ou encore, les parents d’Harper ne cessent de présenter Abby comme étant orpheline (ce qui est vrai, mais qui est également l’excuse qu’a trouvée Harper pour l’inviter à Noël), faisant écho au fait que, s’ils savaient qu’elle était lesbienne, c’est en tant que telle qu’ils la qualifieraient, leur esprit conservateur étroit refusant de voir plus loin. Cela semble un peu racoleur, mais ces traits d’humour (plus ironiques que burlesques) contribuent à construire la représentation de l’état émotionnel dans lequel se situe Abby, et l’enfer que cela doit être pour elle, forcée d’incarner quelqu’un qu’elle n’est pas ou peut-être réexpérimentant un traumatisme passé.

Un autre point intéressant du film est son exploration des relations au sein d’une famille totalement dysfonctionnelle, mais qui veut sauver les apparences. À cet égard, le désir presque désespéré que démontre malgré tout le personnage d’Abby de se faire accepter et d’intégrer cette famille (alors que personne n’est vraiment gentil avec la jeune femme), elle qui n’en a plus depuis longtemps, est très touchant, et on peut saluer la prestation de Kristen Stewart, à la fois toute en nuances et pleine d’émotion pure. On l’aura deviné, c’est sur ce point que le film nous livre le joli message de rigueur pour la période de Noël: il faut s’accepter tel que l’on est, que l’on soit gay ou hétéro, et également accepter les autres. Celle qui incarne le mieux cette idée est Jane, la sœur cadette que tout le monde ignore, sauf si le Wi-Fi doit être réparé, et dont on se moque gentiment: comme elle le déclare solennellement, elle aime qui elle est, refuse de lâcher prise et se révèle la plus heureuse de l’équipe. Jane est ainsi chargée d’apporter les bons sentiments et le «comic relief» dans un film qui se veut une comédie romantique, mais qui est pourtant dramatique sur de nombreux aspects.

Le couple Abby-Harper est en effet dépeint sous un jour des plus gris. La deuxième se montre maladroite à plusieurs égards et l'on se sent mal pour la première. Toutefois, on se gardera de juger trop vite, car la version d’Harper est une réalité pour certaines personnes LGBTQIA+, et il est donc intéressant d’avoir les deux points de vue (les personnes «out» ou non), auxquels les spectateurs concernés pourront sans aucun doute s’identifier. Ainsi que le fait comprendre John, le meilleur ami d’Abby dans une scène poignante, toutes les histoires de coming out ne sont pas semblables, mais elles sont toutes valides. Cela ne pardonne pas tout, mais les émotions d’Harper, qui se révèle plus honnête et vulnérable dans le dernier tiers de la réalisation, sont assez brutes pour que le spectateur lui laisse une chance, car, si le focus est davantage mis sur Abby, au final, les deux personnages ont souffert de ne pas pouvoir être elles-mêmes jusqu'alors. Il est donc vraiment réjouissant de voir un film de Noël destiné au grand public qui s’écarte des conventions hétéronormées (même si l'on peut se demander pourquoi son arrivée est si tardive et souhaiter qu’à l’avenir, on ait plus besoin de relever l’«originalité» de telles approches), qui pèche certes quelque peu par la dimension toxique de certains traits de la relation qui unit les deux protagonistes principales, mais qui demeure très émouvant. On en redemande, avec toutefois des histoires peut-être moins axées sur la notion de coming out, qui tend à être un sujet un peu trop usité lorsque l’on veut aborder l’homosexualité au cinéma, du moins grand public.

Amandine Gachnang

Appréciations

Nom Notes
Amandine Gachnang 17