Enragé

4 h30 du matin, Tom Cooper (inquiétant Russel Crowe) fracture la porte d’une maison, agresse ses occupants et quitte précipitamment les lieux auxquels il a bouté le feu. Dans la matinée, il se met à suivre Rachel (Caren Pistorius) au volant de son pick up, soit une automobiliste en retard qui mène son fils à l’école et qui a eu tort de klaxonner Tom avec insistance à un feu passant au vert. Dès lors, la machine infernale s’enclenche, car Rachel refuse de s’excuser. Alors, par glissements successifs, l’incivilité devient menace et la menace conduit aux atrocités. Ensuite, peu importe qui est qui, la caricature et l’excès ayant pris le relais : la gentille fatiguée – soit la mère divorcée, sensible aux autres, peinant à s’en sortir et menacée dans son emploi – versus le gros méchant – l’adulte, dépourvu de toute relation, jamais reconnu, qui n’a plus rien à perdre et veut juste une dernière fois exister en laissant une trace, fût-elle la pire. En conséquence, après quelques instants où Duel (1971) affleure la narration, on quitte (hélas) bien vite ce sentier où le suspense est roi pour rejoindre l’Avenue horreur – Steven Spielberg a cédé la place à Joël Schumacher avec sa Chute libre (1993) –, aussi explicite que sanglante et mortelle. Certes, l’automobile est un espace où certains « se lâchent », avec parfois de funestes conséquences, en révélant l’usure psychologique générée par un type de société de consommation et de rendement, mais la démesure et l’hyperviolence de la démonstration finissent par noyer le propos dans l’hémoglobine. A éviter donc si l’on s’intéresse un tant soit peu sincèrement aux individus malmenés, usés, voire broyés par le système, quand bien même ils sembleraient n’avoir plus d’autre issue que celle d’une fuite en avant dévastatrice.