Le Cas Richard Jewell

Affiche Le Cas Richard Jewell
Réalisé par Clint Eastwood
Titre original Richard Jewell
Pays de production U.S.A.
Année 2020
Durée
Musique Arturo Sandoval
Genre Drame
Distributeur Fox-Warner
Acteurs Kathy Bates, Sam Rockwell, Jon Hamm, Olivia Wilde, Nina Arianda, Paul Walter Hauser
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 828
Bande annonce (Allociné)

Critique

Basé sur des événements (historiques), le film de Clint Eastwood s’intéresse au rôle des médias, à celui des forces de l’ordre et de la justice, à travers le portrait d’un agent de sécurité victime du FBI et des fortes pressions de son environnement. Le film, rempli de personnages attachants et souvent complexes, est un tableau socio-politique très intéressant.

A 90 ans et 40 films à son actif, Clint Eastwood s’intéresse au cas de Richard Jewell (Paul Walter Hauser), policier de 33 ans de la ville d’Atlanta, qui avait découvert, dans le Centennial Park où avait lieu un concert lors des jeux Olympiques d’été de 1996, un sac à dos contenant un engin explosif. Son alerte n’avait pas pu empêcher l’explosion - qui avait fait deux morts et plus de cent blessés -, mais elle avait permis de mettre à l’abri des centaines de personnes. Défini dans un premier temps comme un héros national, Jewell sera pourtant vite considéré comme un suspect par le FBI qui mettra en avant l’hypothèse qu’il aurait préparé tout cela lui-même pour se mettre ensuite en évidence et passer pour un sauveur. Un journal de la ville, The Atlanta Journal-Constitution, s’était alors acharné sur ce policier un peu lourdaud et frustré, cherchant aussi à prouver sa culpabilité. Sans avoir été ni arrêté ni mis en examen, et défendu par Watson Bryant (Sam Rockwell), un excellent avocat au tempérament bien trempé, Jewell, malmené par la justice et par les citoyens d’Atlanta, sera innocenté trois mois plus tard.

Lors de sa sortie en décembre 2019 sur les écrans américains, Le Cas Richard Jewell a suscité une large controverse, suite aux accusations de diffamation portées à l’encontre de Clint Eastwood par le rédacteur actuel du journal d’Atlanta dénonçant le portrait faux et choquant - «inventé par Hollywood» - du personnage de Kathy Scruggs, ancienne journaliste du susdit quotidien, qui avait alors accusé Richard Jewell de mensonge: dans le film, Kathy Scruggs (Olivia Wilde) est montrée en train de proposer, au début de l’enquête, une relation sexuelle à un agent du FBI, Tom Shaw (Jon Hamm), en échange de l’identité du suspect. Les faits avaient été formellement démentis en 1996 par le journal en question… Tout cela a amené la Warner à préciser, à la fin du générique du film, qu’il s’agit d’événements historiques réels, mais que certains dialogues et éléments ont été créés pour les besoins de l’histoire. Et Clint Eastwood a aussi tenu à dire qu’il s’agit d’une œuvre de fiction, mais très fortement inspirée de l’actualité et de personnages qui ont existé, et que tout cela va bien au-delà d’un simple biopic de divertissement.

Le film peut ainsi se définir comme une réflexion bien documentée sur un certain monde journalistique et gouvernemental. Eastwood et son scénariste Billy Ray n’ont pas pris le parti de la presse, ont montré un quatrième pouvoir assez corrompu, souvent immoral et irresponsable, et n’ont pas caché les retombées politiques et sociales de ce fait divers tragique. «On entend souvent parler, précise Clint Eastwood, de gens puissants qui se font accuser de choses et d’autres, mais ils ont de l’argent, ils font appel à un bon avocat et échappent aux poursuites. L’histoire de Richard Jewell m’a intéressé parce que c’était quelqu’un de normal, un Monsieur Tout le Monde. Il n’a jamais été poursuivi, mais il a été largement persécuté. Les gens se sont empressés de l’accuser et pendant longtemps il est resté trop naïf et idéaliste pour se rendre compte qu’il devait sauver sa peau. C’est pour cela que je voulais faire ce film, pour réhabiliter l’honneur de Richard.»

Dans le parcours de cet innocent - un peu lourdaud et naïf aussi -, Eastwood prend donc la défense d’un personnage malmené par les médias et la justice étatique. On ajoutera que Richard Jewell est décédé en 2007, à l’âge de 44 ans, et que le véritable auteur du délit a été arrêté en 2003 et condamné à la prison à vie.

Le film pourrait se définir, plus largement, comme une critique - concrète et informée - d’une certaine société américaine, présentée parfois avec dérision. Ou peut-être comme un coup d’œil sur une autre époque pour la mettre en regard de la nôtre, notamment par rapport aux attentats. Portrait d’un héros américain - un peu dans la lignée des précédents films d’Eastwood (Sully, American Sniper, etc.) -, Le Cas Richard Jewell est aussi une remarquable performance d’acteurs, les comédiens incarnant avec justesse et sensibilité les différents personnages du film: dans les rôles de Richard Jewell et de sa mère Bobi, Paul Walter Hauser et Kathy Bates sont très convaincants, le premier parvenant à interpréter un personnage complexe et un peu gauche, plein d’humanité et obsédé par l’application de la loi. En face d’eux la journaliste Kathy Scruggs (Olivia Wilde), ambitieuse et sans grands scrupules, personnage inconfortable et un peu caricatural parfois, et l’enquêteur du FBI Tom Shaw (Jon Hamm) animent avec talent la chasse aux sorcières. Sans oublier la prestation de Sam Rockwell (l’avocat de Richard), absolument remarquable. On signalera également la sobriété et l’efficacité de la réalisation, l’authenticité des décors et la très grande qualité des images et de la photographie (par exemple les clairs-obscurs de certaines scènes, ou la description du huis clos familial de Richard). Quelques touches d’humour et la musique, discrète et finement choisie, contribuent à la réussite de ce film.

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 18
Georges Blanc 15
Serge Molla 16