Viendra le feu

Affiche Viendra le feu
Réalisé par Oliver Laxe
Titre original O que arde
Pays de production Espagne, France, Luxembourg
Année 2019
Durée
Genre Drame
Distributeur First Hand Films
Acteurs Amador Arias, Benedicta Sánchez, Inazio Abrao, Elena Mar Fernandez, David de Poso, Alvaro de Bazal
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 824
Bande annonce (Allociné)

Critique

Viendra le feu met en valeur des personnages touchants dans un récit sans romanesque, qui narre le retour d’un fils chez sa mère en Galice, après avoir purgé une peine de prison pour pyromanie.
Dès les premières séquences de Viendra le feu, l’institution du décor en protagoniste est évidente. Des eucalyptus, une espèce envahissante, sont saisis comme effectuant une chorégraphie avant de chuter. S’ensuivent des plans sur un tracteur - dont la couleur tranche nettement avec la nuit glaciale -, à l’origine de ce ballet funéraire. Le tout accompagné par le Nisi Dominus de Vivaldi qui achève de sublimer l’ensemble. Tout aussi dévastateur et dramatiquement beau, un incendie qui se termine par un plan sur des étincelles, devenues des abstractions, bercées par le vent et fusant dans tous les sens. Oliver Laxe, dans ce troisième long métrage qui a reçu à Cannes le Prix du Jury dans la section Un certain regard, prenait des risques en esthétisant ces épisodes de destruction. Mais loin d’être gratuits, ils participent à l’ambiguïté concernant la nature des images.

Le récit s’amorce avec la sortie de prison d’Amador qui retourne chez sa mère, Benedicta, dans un petit village de Galice, après avoir purgé une peine de deux ans pour pyromanie - le spectateur ne connaîtra jamais les motifs qui sous-tendent cette action. C’est alors au rythme des saisons, qui illustrent (comme souvent) l’état intérieur des personnages, qu’Amador et sa mère s’occupent de leurs vaches. Sur ce quotidien, se greffent des événements tels que la rénovation d’une vieille maison en vue d’y accueillir des touristes, un enterrement ou le début d’une passion amoureuse.
L’histoire constitue une sorte de parenthèse avant que le passé ne rattrape le protagoniste principal. Non seulement parce qu’il est le coupable tout désigné pour l’incendie final mais aussi parce sa réputation précède celui qu’il est, du moins pour ceux qui ne le connaissent pas bien. Peut-être aussi que ces deux éléments sont liés, qu’Amador finira par se conformer à l’image qu’on a de lui, en devenant effectivement criminel: juste avant que l’incendie ne commence, le protagoniste est passé rendre visite à une jeune vétérinaire avec qui quelques regards discrets et amoureux avaient été échangés. Sans que les dialogues ne soient explicites, on devine qu’il n’y aura jamais d’union entre eux, son passé de pyromane lui ayant été révélé entre-temps. On pourrait alors penser que le commentaire de Benedicta sur les eucalyptus, «s’ils font souffrir c’est parce qu’ils souffrent», s’appliquerait également à Amador. Mais rien n’est explicitement énoncé, les causes sont inconnues, tout est ambigu. Le récit est à l’image des personnages: taiseux, peu expressif. C’est donc au spectateur d’imaginer les causes à l’origine des comportements.

Malgré l’«âpreté émotionnelle» - pour reprendre une expression du réalisateur - ou la pudeur des protagonistes, le film est porté par ses comédiens, d’autant plus admirables qu’il s’agit de non-professionnels. Oliver Laxe, qui a vécu dans cette région de l’Espagne de ses 6 ans à ses 18 ans, a choisi des personnes de son village pour jouer dans son long métrage. Ceci est apparent dans la manière qu’il a de les filmer, comme s’il voulait capturer certains de leurs gestes, anodins, du quotidien, comme lorsque Benedicta disparaît sous la couverture avant de se coucher, ou qu’Amador toaste machinalement son pain à même la plaque, lors du déjeuner. L’affection du cinéaste à leur égard s’exprime particulièrement après qu’Amador s’est fait tabasser par ceux qui le croient coupable: la caméra épie la réaction de Benedicta, témoin silencieux et impuissant de cette rixe. Oliver Laxe réussit ainsi là où Ken Loach échoue dans Sorry We Missed You. Dans ce dernier, le regard de la petite sœur, Liza, sur la violence physique ou verbale manifestée entre son frère et son père, ne parvient pas comme ici à confronter brutalement différentes considérations sur un individu, à la fois, peut-être, criminel, à la fois fils enfin revenu; et certainement sur le point de repartir. Réalisme et mélodrame se combinent donc à merveille dans ce film, où tout converge vers l’embrasement final implacable.

Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 19
Serge Molla 9