Critique
Souvenir d'étudiant, nous avions posé sur le pupitre d'un professeur une petite scie. Cet homme de grande culture n'était pas doué pour la communication, il avait cependant le sens de l'humour. Il saisit l'outil, l'examine, le lève et, avec le sourire, nous dit: «Il en faut pour les bûches».
Le film de Danièle Thompson m'y fait pen-ser pour deux raisons. D'abord parce qu'il traîne en longueur et manque de rythme et de cohésion. Ensuite et surtout parce que les personnages que met en scène la scénariste-réalisatrice mériteraient d'être traités de bûches tant leurs existences sont compliquées et leurs têtes en bois dur.
En cette veille de Noël où l'on songe à farcir la dinde et à commander la bûche, les trois filles de Stanislas et d'Yvette - divorcés - traversent chacune à sa façon une crise existentielle. L'une veut divorcer, une autre fait de la «dépression hostile», quant à la troisième elle est enceinte à plus de 42 ans d'un homme dont l'épouse légitime attend un bébé. Quant aux parents, pitoyables et compliqués, ils ne font rien pour réconcilier ce petit monde, en proie eux-mêmes à leurs problèmes. Et je ne dis pas tout.
Il est malheureusement incontestable que cette comédie douce-amère est un reflet à peine exagéré de notre société un peu déboussolée et de la crise familiale qui touche bon nombre de nos contemporains. Toutefois, on peut se demander s'il faut en rire et si la comédie de moeurs n'est pas une banalisation de ce qui est souvent un drame sordide. Y a-t-il effet de boule de neige? On doit se poser la question. Car ici les personnages typés que met en scène LA BÛCHE sont tous très sympathiques et drôles. Sabine Azéma, Charlotte Gainsbourg ou Claude Rich - et les autres - font ici d'excellents numéros d'acteurs qui feront le succès de ce film.
On peut aussi constater que rien n'est plus triste que ce Noël laïc, passage obligé d'une fête qui perd de son sens. La comédie de Danièle Thompson en fait une assez brillante démonstration. Quand Noël n'est plus qu'une fête de famille... et que la famille est déchirée! Ce ne sont plus les bûches, même jetées au feu, qui apportent un peu de lumière. Et dans ce film même la dinde était cramée.
Maurice Terrail