Solitude des nombres premiers (La)

C’est «un film d’horreur centré sur les sentiments, la famille et l’émancipation impossible du couple», décrit Saverio Costanzo. Son œuvre s’appuie sur le premier roman de Paolo Giordano, lequel a écrit le scénario avec le réalisateur.

Film d’horreur, oui, mais une horreur toute psychologique. Elle concerne deux enfants qui, parce qu’ils sont doués, sont écrasés de responsabilités par leurs parents. Le drame les happe alors qu’ils n’ont pas 10 ans. Mattia perd sa sœur handicapée qu’il a oubliée dans un parc. Alice se blesse gravement lors d’un entraînement de ski imposé par son père. Quelques années plus tard, ils se croisent à l’école et se lient face aux moqueries de leurs camarades. Ils arrivent ensemble à l’âge adulte (Luca Marinelli et Alba Rohrwacher), mais alors, la vie va les séparer.

La douleur de deux êtres hors normes pèse sur tout le film, rendue avec pudeur, sensibilité et respect. Un montage parfois complexe révèle peu à peu la culpabilité qui empêche ces enfants de grandir sainement, le rôle de leurs parents, la cruauté de leurs pairs, la façon dont ils retournent contre eux-mêmes la «déception» qu’ils suscitent chez les autres. Saverio Costanzo réalise un film très construit, qui souffre un peu d’un manque de spontanéité et d’une volonté de bien faire. On reste partagé sur la fin qui semble ajouter un deuxième point sur le «i». Mais on peut aussi la voir comme la confirmation d’une tragique défaite: trop abîmés, Mattia et Alice n’arriveront jamais à vivre l’un sans l’autre.