Critique
Suite au scandale du Watergate, le président des Etats-Unis Richard Nixon est contraint à la démission le 9 avril 1974. En 1977, un journaliste anglais, animateur vedette de talk-show en perte de vitesse, David Frost, réussit à organiser l’interview du président déchu. 28 heures d’entrevue sont accordées par Richard Nixon à David Frost. Cette émission aura été l’une des plus suivies dans l’histoire de la télévision américaine, avec plus de 50 millions de téléspectateurs (une synthèse de 88’, diffusée en mai 1977, est actuellement disponible sur DVD).
L’enjeu de cet événement médiatique était de taille: l’aveu par Richard Nixon de son implication dans le scandale du Watergate.
Ces joutes oratoires ont d’abord donné naissance à une pièce de théâtre, écrite par le brillant dramaturge anglais Peter Morgan (auteur également de THE QUEEN et LE DERNIER ROI D’ECOSSE…) Il écrivit ensuite pour le cinéma le scénario de FROST/NIXON, réalisé par Ron Howard.
Les deux acteurs, qui se donnaient déjà la réplique sur les planches, crèvent l’écran: Michael Sheen, (le Tony Blair de THE QUEEN), détestable et attachant, incarne David Frost; et Frank Langella excelle en un Richard Nixon, fort différent de celui d’Anthony Hopkins dans le film d’Oliver Stone, tantôt caustique, souverain ou pathétique.
Tous les acteurs, jusqu’aux rôles les plus secondaires, sont parfaits et magnifiquement dirigés par Ron Howard.
Avant l’interview proprement dite, nous assistons à toutes les préparations en coulisse de ce grand show médiatique, sa mise en scène et les incontournables palabres financières. Puis vient la confrontation tant attendue, un duel palpitant. Ces joutes oratoires et leurs préparatifs soulèvent des questions sur le rôle des médias, l’usage que journalistes et politiques en font, la manipulation, les coûts de production exorbitants de certaines émissions TV, les enjeux économiques et la course à l’audimat.
Durant ces deux heures d’échanges verbaux en continu, l’attention du spectateur est tenue en haleine par un rythme soutenu et une construction habile entre flash-back, gros plans des protagonistes pendant les interviews, rappel des actualités politiques de l’époque…
Par la magie du cinéma, un événement historique devenu événement médiatique se double d’un formidable duel psychologique entre deux bêtes de scène, deux hommes assoiffés de reconnaissance, de réussite, de pouvoir et… d’argent.
Anne-Béatrice Schwab
