Lions et Agneaux

Affiche Lions et Agneaux
Réalisé par Robert Redford
Pays de production U.S.A.
Année 2007
Durée
Musique Mark Isham
Genre Drame
Distributeur Twentieth Century Fox France
Acteurs Robert Redford, Tom Cruise, Michael Peña, Gregory Smith, Derek Luke
Age légal 10 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 558
Bande annonce (Allociné)

Critique

Avec un regard percutant sur l’apathie de la société étasunienne - et la nôtre -, le héros de BUTCH CASSIDY ET LE KID réalise son film le plus militant.

Robert Redford ne se préoccupe guère de sa mise en scène. Ce qu’il met en valeur, c’est le texte, renforcé crûment par la simultanéité des trois histoires qu’il raconte. Au même moment, à Washington, une journaliste célèbre (excellente Meryl Streep) est convoquée par un sénateur (Tom Cruise), qui rêve de présidence, à une heure d’entretien exclusif. A Los Angeles, un professeur engagé (Robert Redford) tente de convaincre son meilleur élève (Andrew Garfield) de ne pas se laisser paralyser par l’apathie d’une vie riche. En Afghanistan, deux de ses anciens étudiants devenus soldats (Derek Luke et Michael Peña) partent dans les montagnes, pour une attaque surprise.

Ces trois épisodes ont en commun de mettre en lumière la profonde fêlure qui remue la société étasunienne. Une société ébranlée par les mensonges qui ont justifié l’entrée en guerre de son armée, par ceux, aussi, qui continuent à masquer une réalité impossible à avouer. Le sénateur de LIONS ET AGNEAUX n’hésite pas à parler de «victoire» à la journaliste. Laquelle comprend très bien qu’elle est manipulée et réfléchit à ce qu’est devenu son métier.

Les trois axes de ce film sont aussi les trois axes de toute organisation sociale: l’éducation, l’information, la politique. Quand l’un de ces trois vecteurs dérive, la société entière en pâtit. Alors, que font les Etasuniens pour débouter leur gouvernement obtus, pour remettre la presse dans son vrai travail d’information, pour stimuler sa jeunesse vers un comportement moins consommateur, mais plus participatif? Que font-ils pour résister à l’envie de s’avachir sur un sofa, en apprenant par la télévision, comment la starlette du coin a rompu ses fiançailles… Tandis qu’en sous-titre défile l’annonce de l’attaque étasunienne dans les montagnes afghanes?

Et que font les sociétés des autres pays? Que faisons-nous? Car les mêmes questions conviennent à tous les Occidentaux; la cécité est tellement confortable. Robert Redford n’a pas voulu écrire un film sur la guerre, mais «pousser le spectateur à se demander où nous en sommes». Pas de portraits huilés des bons et des méchants, ni même d’attaque en règle contre la politique républicaine, mais une démonstration des faits, un appel fort à la réhabilitation de l’esprit critique et une véritable interrogation sur les responsabilités de chacun. Le militantisme de l’acteur-réalisateur n’a jamais été aussi vibrant, ni sa franchise aussi directe, lui qui endosse le rôle du professeur, justement pour dire ce qu’il pense.

Incontestablement, son film remue. «C’est un drame humain qui ose simplement demander aux gens de se poser quelques questions et les pousse à s’impliquer davantage dans leur propre destin et dans celui de leur pays. Finalement, les questions que soulèvent les trois histoires du film sont: pour quoi voulez-vous vivre? Pour quoi voulez-vous mourir? Que ressentez-vous? Que ferez-vous? Tout revient à ça...»

Geneviève Praplan