Critique
Depuis quelques années, le ton des films de Woody Allen se fait plus amer et le regard du cinéaste plus aigu. Si l’on excepte deux petites comédies mineures - MELINDA ET MELINDA (2004) et SCOOP (2006) -, le réalisateur américain semble s’orienter vers des considérations existentielles plus profondes, plus pessimistes. Avec LE RÊVE DE CASSANDRE, c’est la tragédie qui déboule.
Woody Allen aime bien changer de registre et surprendre son public. Soit. Opération par-faitement réussie avec MATCH POINT (2005), une comédie dramatique subtile et élégante, une réflexion cruelle sur l’ambition et le hasard. Mais il arrive aussi que Woody Allen déçoive…
LE RÊVE DE CASSANDRE démarre pourtant avec une certaine vivacité: deux frères, Ian (Ewan McGregor) et Terry (Colin Farrell), décident de puiser dans leurs économies pour s’acheter un bateau. Tout baigne, semble-t-il: Terry gagne une grosse somme à la roulette, Ian conquiert le cœur d’une belle comédienne de théâtre. Sauf que la chance au jeu abandonne subitement le premier et que l’actrice entichée du second fait une fixation sur la Californie. Les liquidités manquent. Terry travaille dans un garage, Ian dans le restaurant de ses parents, ils gagnent peu et se retrouvent devant des problèmes financiers insolubles. Ils seront obligés de solliciter l’aide d’un oncle argenté qui leur demandera, en échange d’un gros chèque, un petit service... Ce sera l’engrenage fatal.
Malgré quelques références (peu pertinentes) à la tragédie grecque, en dépit d’une bonne direction d’acteurs, la sauce ne prend pas. La mise en place des éléments du drame est longuette, les discussions des deux frères sont trop convenues, les notions de faute et de châtiment trop maladroitement amenées pour que l’on puisse se sentir concerné. Woody Allen tente de créer un climat proche de la tragédie, mais on en reste au fait divers, les deux héros ne parvenant jamais à donner une véritable épaisseur à leurs personnages.
Les prévisions alarmistes de Cassandre - la mythologie nous l’a appris - se sont toujours révélées exactes et son rêve, ici, est vraiment noir. Woody Allen parle-t-il de notre monde? Son regard pessimiste rejoindrait-il celui de la Pythie troyenne?
Antoine Rochat