L'édito de Adèle Morerod - «Le cinéma classique, tout comme le moderne, s’arrête ici, sur la route de la réconciliation, mais jamais plus loin.»1

Le 12 février 2020

Dans son joyeux feu d’artifice cinématographique In The Name Of Scheherazade, Narges Kalhor se voit asséner une vérité difficile à entendre: «Les gens veulent un film qui finit bien». Que l’on soit partisan des conclusions enchantées, parce qu’on veut absolument que le couple héroïque finisse ensemble; que l’on espère après les fins ouvertes, qui comme dans A Tale Of Three Sisters, laissent entrer un peu de lumière dans un monde qui se referme sur lui-même; que l’on soit séduit par les regards désenchantés qui posent un point final à des œuvres sans concession (Halte): ces postures révèlent une même idée. C’est ce qui la précède qui donne sa valeur à la dernière image d’un film.
Ainsi d’Öndög, du réalisateur chinois Wang Quan’an, dans lequel ce n’est pas la résolution du meurtre initial - souvent posée comme révélation finale pour maintenir la tension - qui compte mais les longues heures d’attente dans la steppe. Et c’est ce voyage à travers le temps que le spectateur doit accepter de faire. Même dans le plus classique The Aeronauts, du Britannique Tom Harper, c’est en construisant peu à peu la relation entre les deux personnages principaux que le film trouve sa voie.
Mais l’après, comme le rappelle Godard? Baghdad in My Shadow, tel que perçu dans nos pages, pose cette question: et si l’on avait choisi de montrer la suite plutôt que les événements menant à ce qui est un point de départ? Qu’advient-il une fois que tout est fini? Envie parfois irrésistible de savoir, tension irrésoluble, cet après restera informe. Alors à nous de l’habiter, de l’inventer, pour que le cinéma ne soit pas qu’un générique de fin.

1  Lettre de Jean-Luc Godard à la Cinémathèque française, pour la projection d’Après la réconciliation, d’Anne-Marie Miéville, le 1er février 2020.