Rencontres sur la voie lactée

Affiche Rencontres sur la voie lactée
Réalisé par Jürg Neuenschwander
Pays de production Suisse
Année 2000
Durée
Genre Documentaire
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 411

Critique

"On assimile volontiers la Suisse - c'est presque un cliché - à un pays de vachers et d'alpages. Voilà une ressemblance avec les Peuls du Burkina Faso.

Selon les récits traditionnels de ce pays, le monde serait né en effet d'une goutte de lait. Cette légende sahélienne a intéressé le cinéaste suisse Jürg Neuenschwander qui cherchait à réaliser un film sur le problème mondial de la globalisation. Pour ne pas passer par la présentation banale d'un produit moderne, imposé dans le monde entier à grand renfort de publicité, il a choisi de parler de la voie lactée, ou plutôt du lait.

Les RENCONTRES SUR LA VOIE LACTEE sont des rencontres entre deux mondes, entre la savane et Bergmatten, entre l'Afrique de l'Ouest et la Suisse allemande. Jürg Neuenschwander a cherché à mettre en images une sorte de voyage parallèle entre le Burkina Faso et la Suisse. Les séquences et les réflexions se répondent, selon un montage fait de contrastes et de comparaisons, et elles s'imbriquent les unes dans les autres comme dans un puzzle. Ce jeu d'aller et de retour constant aurait pu être lassant, mais le cinéaste réussit toujours à relancer l'intérêt, jouant sur le sérieux et l'humour et abordant, sans avoir l'air d'y toucher, une véritable réflexion sur l'existence.

Suisses et Africains sont amenés dans le film à se rencontrer deux par deux. Un éleveur de bétail du Burkina Faso rencontre un éleveur industriel du Seeland, un agriculteur biologique fait la connaissance d'un vétérinaire charismatique du Sahel: malgré les différences, des ressemblances apparaissent à chaque fois, que ce soit le regard impossible sur le rendement économique, le respect pour les personnes ou les animaux, ou encore la volonté de participer au développement du pays.

RENCONTRES SUR LA VOIE LACTEE est à la fois un film très beau (le déplacement des troupeaux et la traversée des fleuves), un intéressant documentaire (sur la production laitière et l'élevage du bétail en Suisse et au Burkina), un poème sur la vie nomade des Peuls (la poésie est moins présente en Helvétie...) et une oeuvre légère, pleine d'humour, burlesque par moments (il y a des touristes suisses pour se baigner dans une cuve de petit lait). Le montage est tout à fait surprenant et le cinéaste a su intelligemment mettre en évidence les différences entre deux conceptions de l'élevage: la manière de considérer les animaux se révèle diamétralement opposée d'une région du globe à l'autre et elle n'est évidemment pas sans incidence sur le mode de vie des habitants.

Un dossier Nord-Sud bien fait, sans parti pris, qui parle avec nuance des changements à opérer. Au Burkina Faso comme en Suisse. (A.R.)





Autre avis de Daniel Grin



A la pensée animiste omniprésente des éleveurs africains, résolvant par raisons cosmogoniques rassurantes les incertitudes inéluctables de la vie, reconnaissant par exemple à la vache une pensée propre de même portée que les leurs, le cinéaste oppose la recherche résolue de rendement qu'il faut obtenir d'une bête -""presque une amie"", dit l'éleveur industriel de Gstaad, qui ne se fait cependant pas faute d'en appeler aux vertus énergétiques des produits de la pure nature, tel le petit-lait stimulant conditionné dans son usine.

Les étonnements parfois décontenancés des éleveurs africains et leur refus initiaux de toute atteinte à leur cadre traditionnel se muent progressivement en acceptations nuancées de la transformation ininterrompue du Monde. (...)

L'éclosion au Burkina Faso d'un beau début d'amélioration de la production laitière adéquate et autonome sur la base des techniques importées de Suisse met une note réconfortante dans ce film très documentaire non dénué de sentiment, mais pourtant bien long."

Antoine Rochat