Cercle (Le)

Affiche Cercle (Le)
Réalisé par Jafar Panahi
Pays de production Italie, Suisse, Iran
Année 2000
Durée
Genre Drame
Distributeur Sagittaire Films
Acteurs Myriam Parvin Almani, Nargess Mamizadeh, Fatemeh Naghavi, Mojgane Faramarzi, Monire Arab
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 408
Bande annonce (Allociné)

Critique

Lion d'Or au Festival de Venise 2000, LE CERCLE évoque l'enfermement physique et moral que subissent les femmes dans la société iranienne. Jafar Panahi porte un regard très critique sur les contraintes que le régime exerce sur elles.

Pari, Arezou, Nargess, Solmaz: autant de femmes, jeunes, autant de destins qui pèsent comme plomb, alors que l'Iran fait - ou refait - sa révolution libératrice de ces contradictions écrasantes, de ces coutumes qui refusent toute indépendance à la femme et réservent tout pouvoir à l'homme. Certes, la loi a institué l'égalité entre hommes et femmes, mais elle n'a pas marqué les rapports sociaux quotidiens.

Solmaz Gholami vient d'accoucher d'une fille, alors que l'échographie laissait espérer un garçon. Sa belle-famille se sent dupée et contraindra sans doute Solmaz au divorce, tant la belle-mère conserve toujours un rôle-clé dans ce cercle des femmes.

Pari vient de s'évader de prison. On ne sait rien des motifs de son enfermement. Même ses frères la rejettent et la condamnent à l'errance. Enceinte et célibataire, Pari cherche à se faire avorter mais ne se heurte qu'à des refus, même de son amie et ancienne camarade de captivité Elham qui a fait un mariage heureux avec un médecin, mais qui vit dans la hantise que celui-ci apprenne qu'elle a passé par la prison.

Monire, au sortir de prison, a dû s'accommoder de ce que son mari ait pris entre-temps une deuxième femme. Et elle a eu la souffrance de voir sa propre fille lui préférer l'intruse.

Arezou, en liberté provisoire (ainsi que ses compagnes Nargess et Mayereh), ne peut encore se dégager de l'interdiction persistante de fumer en public, et supporte mal les attitudes équivoques des hommes qu'elle croise en rue.

Cette étonnante galerie de portraits - dont la liste ci-dessus n'est qu'un extrait - le cinéaste l'encadre d'un décor citadin qu'évoquent une chaîne de plans moyens, sans la respiration que pourraient apporter des vues d'ensemble, à dessein rares. L'oppression et l'incertitude grise omniprésente se peignent ainsi dans toutes leurs ampleurs indécises.

Par la similitude presque totale de leurs vêtements noirs qui les couvrent des pieds à la tête, les femmes deviennent comme anonymes, impersonnelles, à peine signifiantes.

Contraste aussi que les grandes avenues du Téhéran moderne sur lesquelles débouchent souvent d'infimes ruelles serrées entre les maisons. Une moto montée par deux hommes s'y faufile sans le moindre égard, obligeant la femme qui emprunte à pied la même ruelle à s'effacer dans quelque encoignure.

Pourtant, de tout ce groupe que le cinéaste nous fait connaître, Mojane saura braver le système social dominant pour aller au-delà du mensonge et s'exprimer sans détours ni honte de ce qu'elle est.

Marques résiduelles d'un passé tenace dans lequel les hommes ne trouvent aucune raison à se dépouiller des privilèges que la tradition religieuse leur confère? Ou, plutôt, expression de la crainte ancestrale inavouée de l'homme devant la différence des sexes et l'agressivité instinctive que la relation comporte?

LE CERCLE - œuvre d'orientation féministe tournée par un cinéaste iranien - est un film prenant aux images toutes en demi-teintes, dont la délicatesse évoque toute l'importance d'un non-dit qui se perpétue.





Jafar Panahi



Né en 1960, à Mianeh (Iran). Tourne des courts métrages pour la télévision avant de devenir l'assistant d'Abbas Kiarostami (AU TRAVERS DES OLIVIERS). En 1995, il obtient la Caméra d'Or du Festival de Cannes pour LE BALLON BLANC et en 1997 le Léopard d'Or du Festival de Locarno avec LE MIROIR. Le titre de son dernier long métrage, LE CERCLE, est déjà tout un programme: cercle de la narration, cercle de l'emprisonnement, cercle de la solidarité, etc. Avec ce film, Jafar Panahi va plus loin encore dans la description de la société iranienne, dans une oeuvre qui est à la fois un témoignage sur l'intolérance du régime et un hommage à l'adresse de toutes celles et tous ceux qui luttent pour des réformes et une certaine ouverture vers la liberté. (A. R.)

Ancien membre