Para no olvidar

Affiche Para no olvidar
Réalisé par Laura Gabay
Pays de production Suisse, France, Uruguay
Année 2023
Durée
Musique Fernando Manassero
Genre Documentaire
Distributeur Écran Mobile
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 919

Critique

«Pour ne pas oublier», telle est la traduction du titre du sixième film de Laura Gabay, réalisatrice, scénariste, monteuse et productrice suisse, d’origine uruguayenne.

Voici comme elle le présente: «À la suite du coup d’État militaire en Uruguay, des milliers d’intellectuels et d’artistes fuient le pays. Lors du décès de mon père, je trouvai des dizaines de films Super 8 que je n’avais jamais vus. A travers ces archives, je tente de dévoiler et de comprendre le silence lié à la douleur de l’exil, les idéaux politiques contrariés, mais aussi la volonté farouche de faire famille malgré l’éclatement spatial.»

Laura Gabay utilise donc des archives personnelles, films ou messages enregistrés sur cassettes, entre son père ayant fui en Europe et la sœur de celui-ci restée en Uruguay, ainsi que quelques extraits de lettres, afin de faire connaissance avec une histoire familiale, des racines, dont elle ne sait que très peu de choses. Ces échanges filmiques et épistolaires rappellent un passé douloureux lié à un coup d’État violent, un exil forcé, un bonheur perdu, un monde qui s’écroule et un nouveau qui va naître. Les images les plus marquantes sont d’ailleurs celles montrant des moments de plage ou de fête, un bonheur insouciant, décuplant ainsi le choc de l’exil. La qualité forcément moyenne des films Super 8 que nous découvrons plonge le spectateur dans un passé lointain et révolu. Les questionnements, les deuils, la nostalgie sont de mise. Sur le plan formel et intellectuel, le film a une vraie légitimité, une incontestable raison d’être. Il n’y a par ailleurs aucun doute sur la sincérité de la réalisatrice ni sur l’importance de sa quête personnelle.

Alors pourquoi sommes-nous restés à la porte du film? Sans doute parce que s’il contient des sentiments, du lyrisme, des émotions, il manque malheureusement d’éléments factuels auxquels un public varié, qui n’est pas directement concerné par cette histoire, peut se raccrocher afin de maintenir son intérêt. Nous aurions aimé en savoir plus sur les biographies de ce père et de cette tante. La voix off, très parcimonieuse, aurait certainement dû être un peu plus développée, et nous apprendre quelques faits attestés, quelques circonstances historiques ou témoignages poignants, qui auraient ancré ce récit introspectif dans la réalité concrète. Il est en effet difficile de vibrer à cette poésie lorsqu’on manque de contexte historique et de faits réels. Para no olvidar est bien trop personnel pour être universel. L’introspection c’est bien, mais à trop forte dose les spectateurs non initiés ne trouvent pas de quoi s’investir émotionnellement dans un film qui est un exercice de style réussi, mais devrait être plus rassembleur, plus instructif, et qui donc ne parlera sans doute pas au grand public. C’est dommage, car l’idée de départ et la réalisation sont parfaitement pertinentes. Sans doute ce film sera-t-il opportun pour illustrer un débat, une table ronde ou une soirée thématique sur l’exil, la transmission et la mémoire.

Signalons encore qu’après avoir été présenté aux festivals d’Amiens et de Soleure, Para no olvidar fera partie de la sélection du prochain Visions du Réel à Nyon. On se réjouit aussi de découvrir d’autres œuvres de Laura Gabay, car son film, dans sa forme, est très délicat.

Philippe Thonney

Appréciations

Nom Notes
Philippe Thonney 10