La Théorie du tout

Affiche La Théorie du tout
Réalisé par Timm Kröger
Titre original DIE THEORIE VON ALLEM
Pays de production Allemagne, Autriche, Suisse
Année 2023
Durée
Musique Diego Ramos Rodríguez
Genre Thriller, Film noir
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Hanns Zischler, Jan Bülow, Olivia Ross, Gottfried Breitfuss
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 917

Critique

Ovni cinématographique brouillant les genres, de Welles à Murnau, du film au noir au thriller fantastique, La Théorie du tout fascine dès son ouverture grandiloquente. Jouant de la théâtralité de sa bande-son pour détourner notre regard de son enjeu primordial, cet amour immatériel et pluridimensionnel entre Johannes, jeune thésard en passe de terminer son doctorat, et Karin, fantomatique et mystérieuse figure vaporeuse, oracle de l’étrange, semblant lire l’avenir avant qu’il ne se produise.

Ce qui frappe d’entrée, c’est la singularité inouïe de son atmosphère. L’ouverture semble presque spielbergienne et hollywoodienne tant cette caméra qui envahit l’espace, dramatise l’enjeu. Alors qu’apparaît par la suite ce noir et blanc nous renvoyant à la méticuleuse esthétique expressionniste du cinéma allemand de Fritz Lang, jaillissent soudain les codes policiers d’un film noir d’époque. Mais Timm Kröger va bien plus loin. Il part habilement d’un cadre scientifique masculin et doctorant (un congrès de physique dans les Alpes suisses) pour faire éclater l’hérétique, le surnaturel de son cadre: des nuages menaçants et chargés d’électricité dans le ciel, un bruit de métal étrange sous la roche, un ascenseur prenant la forme d’une capsule temporelle. Le film prend alors une tout autre ampleur. Ce réel «cartésien» qui guidait les pas du jeune scientifique Johannes se délie sous sa mine blafarde (un vrai air de Ian Curtis chez son acteur Jan Bülow). En effet, la théorie controversée de sa thèse (sur l’existence des mondes parallèles) vient pas à pas se matérialiser. L’irrationnel se déclare et l’inexplicable s’attache au réel, jusqu’à cette frontière de la conscience où les rêves prennent la forme de cauchemars (l’étrangeté des meurtres, la réapparition d’un mort…)

Et puis Karin (Olivia Ross), personnage insaisissable, fantomatique, qui dès la première scène décide de fuir, troublée par ce qui ressemble à des retrouvailles avec un Johannes qui pourtant ne semble l’avoir jamais vue. Elle est l’élément central qui équilibre la lourdeur physicienne de ce «multivers». D’un éclat d’amour, du désir furtif à l’émotivité immatérielle, elle semble tout connaître de Johannes: ses rêves, son passé le plus intime, mais aussi son futur et sa destinée. Il y a cette très belle scène de baiser, où l’on comprend que malgré l’apparence d’une première rencontre, ils semblent s’être toujours aimés, comme une évidence, un amour qui a toujours été. Ce court interlude en apesanteur est de nouveau coupé par la fuite de Karin, faisant retomber le film dans une forme de thriller policier plus conventionnelle.

Enfin, lorsque l’intrigue prend corps, que le tunnel entre les mondes se forme sous la montagne, Kröger pousse un peu plus le curseur vers un formidable jeu visuel et auditif, expérimental, voire kubrickien. Un magnétisme et une pression électrique qui implosent dans l’image, jusqu’à sa destination stellaire, et avec elle, la mise à mort de son héros. Là encore, une référence notable au film noir et à son thème de la trahison. Les morts s’inversent, les destins se croisent, les prémonitions sont déjouées. Et Johannes accepte son terrible destin de génie incompris. Seul chez sa mère, il cherchera éperdument, jusqu’à la fin de sa vie, un fantôme, son fantôme, Karin, à travers un signe, quelques notes de piano, une apparition soudaine dans le clair-obscur, comme preuve définitive de la véracité de sa théorie, et d’un amour qui ne cessera jamais d’exister.


Pierig Leray

Appréciations

Nom Notes
Pierig Leray 16
Noémie Baume 10