Gadjo - Un voyage dans l’Europe yéniche

Affiche Gadjo - Un voyage dans l’Europe yéniche
Réalisé par Andreas Müller, Simon Guy Fässler, Marcel Bächtiger
Titre original RUÄCH - EINE REISE INS JENISCHE EUROPA
Pays de production Suisse
Année 2022
Durée
Musique Andreas Müller
Genre Documentaire
Distributeur Frenetic
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 916

Critique

Gadjo, signifie «étranger» dans la langue yéniche. Pendant des années, trois cinéastes suisses allemands sont devenus des «gadjos» parmi les gens «du voyage», afin de pénétrer un mode de vie plus toléré que reconnu.

Les Yéniches le disent, ils n’aiment pas parler d’eux-mêmes, encore moins se laisser filmer. Trois réalisateurs suisses allemands ont pu les approcher et partager quelques moments de leur vie, grâce à l’aide d’un ami qui veut rester anonyme. «Nous n’aurions guère eu l’idée de tourner un film avec la communauté yéniche si cet ami ne nous y avait pas encouragés.» Cette insistance même reste une énigme: pourquoi vouloir attirer l’attention des cinéastes sur un mode de vie que les intéressés préfèrent discret?

     La réponse se trouve dans ce qu’esquisse le film, ce qu’il sous-entend, mais ne dévoile qu’en partie. Ce qu’il rappelle, aussi, à une société, la nôtre, qui ne souhaite pas beaucoup entendre parler de différence. Alors, oui, les clichés abondent: les yéniches ont des poux, sont des voleurs, ne vont pas à l’école… Les voir à l’écran, petits et grands, jeunes et vieux corrige les stéréotypes. Mais auparavant, il a fallu que les auteurs du film inspirent confiance.

     «Le rapprochement avec les Yéniches, qui était aussi une clarification de notre propre projet, a pris du temps. Finalement, nous avons passé sept ans dans leur cercle, quelque part en Europe, dans les forêts de Carinthie, sur des places en France, dans les montagnes et les vallées des Grisons», expliquent les réalisateurs. Leur film veut aujourd’hui rendre justice à une communauté mal aimée.

     Et les Yéniches parlent, avouent leurs sentiments. Les plus anciens se souviennent, par exemple, des enfants volés par Pro Juventute. Les plus jeunes disent sans enthousiasme qu’ils ne sont pas rejetés à l’école. La majorité d’entre eux observent que les choses changent, un peu. Mais, s’ils sont plutôt mieux acceptés, vivre comme ils le souhaitent provoque toujours des conflits, et les affaires à régler avec les municipalités prennent du temps.

     La caméra est l’occasion de rappeler ces tracasseries, le sentiment d’exclusion plus ou moins fort, mais toujours présent. Elle montre aussi beaucoup de détails d’une vie mal connue. Il semble toutefois que Gadjo aurait pu aller plus au fond des choses. Remplacer également quelques longs plans par des entretiens plus fournis sur «le voyage» par exemple, sur les relations entre Yéniches et populations locales ou sur leur façon de gagner leur vie… Cela reste trop implicite. Le risque étant que le public du film n’y trouve pas les raisons de changer son point de vue. Car là réside l’intérêt de ce long et courageux travail: rappeler qu’il y a des différences entre les êtres humains, et que ceux qui ne nous ressemblent pas ou ceux qui sont étrangers, ont toujours quelque chose à nous apprendre.


Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 12