Captives

Affiche Captives
Réalisé par Arnaud des Pallières
Pays de production France
Année 2023
Durée
Musique Martin Wheeler, Mathieu Ben Hassen
Genre Fiction, Drame historique
Distributeur cineworx
Acteurs Josiane Balasko, Carole Bouquet, Mélanie Thierry, Yolande Moreau, Marina Foïs, Dominique Frot
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 915

Critique

Captives  est un récit qui s’inscrit dans l’histoire de l’oppression des femmes déclarées «folles», et dans celle plus grande et répressive de la folie. Pourtant, bien loin de la rigueur historique souhaitée pour un tel thème, le cadrage, le sujet de focalisation et la direction d’actrices ne font qu’entretenir leur stigmatisation. Arnaud des Pallières présente ainsi un film problématique.

Un jour de 1894, Fanni (Mélanie Thierry), jeune femme aisée, se laisse interner à dessein dans le quartier des «aliénées» de l’hôpital de La Salpêtrière. À la recherche de sa mère (Yolande Moreau), enfermée depuis de nombreuses années dans cette institution médicale, elle espère la retrouver et la libérer au plus vite. Dans sa quête, et durant la préparation du célèbre Bal des folles très prisé par le Tout-Paris, elle découvre la très âpre réalité de centaines de femmes bannies à vie de la société.

L’institution hospitalière de La Salpêtrière est née d’un décret de Louis XIV. Selon Michel Foucault, loin d’être un établissement médical, elle est au 17e siècle une structure semi-juridique qui, à côté des tribunaux déjà constitués, juge et exécute. Elle n’a donc pas le devoir de soigner des malades, mais bien d’exclure tous les individus qui dérangent la morale publique. Dans sa thèse Histoire de la folie à l’âge classique (1961), le philosophe français démontre que c’est au cours de l’épanouissement de la raison, sous l’influence de René Descartes, que la conscience collective décide de refouler les «fous» le plus loin possible. De cette peur de la folie (de la déraison), apparaît, derrière les murs de l’hôpital, un mécanisme de pouvoir qui règne et inflige des châtiments. L’internement a ainsi une fonction répressive. Et malgré la naissance de la psychiatrie et de la notion de maladie mentale, lors de la Révolution, les «fous» ne sont plus internés, mais enfermés dans une nouvelle institution: l’asile. Soumis cette fois au médecin, celui-ci s’érige, par son savoir, en une autre figure de pouvoir.

Au 19e siècle, parmi ces laissés-pour-compte, se trouvent des femmes, malades, prostituées ou dépressives. Incarcérées dans le quartier «des aliénées» du secteur neurologique de La Salpêtrière, elles sont toutes des victimes du patriarcat. Pour Victoria Mas, auteure du Bal des folles (2019), ce sont les hommes qui enferment ces femmes et qui «expérimentent» sur des corps qui ne comprennent pas. Des corps que l’asile expose à ce fameux bal mondain, tel un «musée pathologique vivant». Se mêlant aux bourgeois parisiens, ces démunies, stigmatisées, sont l’objet de moquerie, de voyeurisme et de fantasmes masculins. Parfois abusées sexuellement. Or dans Captives, nous constatons à notre grand désarroi, que cette stigmatisation est entretenue. D’entrée de jeu et contrairement au titre, l’usage exagéré de gros plans de Fanni maintient la focalisation sur une femme «saine d’esprit», et non sur les patientes. Celles-ci étant confinées à l’arrière-fond ou dans le hors-champ. De ce fait, ce choix filmique métaphorise et reproduit leur exclusion de l’espace social. Et les quelques plans rapprochés que le cinéaste français leur octroie, il les représente caricaturées, grimaces et hurlements grotesques à l’appui. En outre, le personnage d’Hersilie, incarnée par Carole Bouquet (les fortunées n’y étaient pas enfermées) et les scènes d’hydrothérapie (prescrite uniquement aux «hystériques», et non aux «aliénées») réfutent les faits réels. Nous déplorons dès lors un manque évident de rigueur historique et sociologique, ainsi que quelques séquences qui frôlent la mièvrerie.

Kim Figuerola

Appréciations

Nom Notes
Kim Figuerola 10