La Zone d’intérêt

Affiche La Zone d’intérêt
Réalisé par Jonathan Glazer
Titre original The Zone of Interest
Pays de production États-Unis, Royaume-Uni, Pologne
Année 2023
Durée
Musique Mica Levi
Genre Drame historique
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Christian Friedel, Sandra Hüller, Ralph Herforth, Lilli Falk, Max Beck
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 915

Critique

Grand Prix, Prix CST de l'artiste-technicien Johnnie Burn et mon coup de cœur lors du Festival de Cannes 2023 à La Zone d'intérêt (The Zone of Interest) de Jonathan Glazer (Compétition officielle).

Le défi est grand: écrire un papier qui rende honneur à ce long métrage, dont l’immensité contraint d’appréhender avec déception son Grand Prix - le deuxième prix de la sélection, derrière la Palme d’or. Le sacre a donc valeur d’acte manqué, puisque c’est évidemment trop peu au vu du choc reçu. Neuf ans après l’audacieux Under The Skin, Jonathan Glazer fait preuve avec La Zone d'intérêt d’encore plus de témérité: filmer la Shoah depuis un point de focal inédit, celui du quotidien de Rudolf Höss, commandant SS du camp d’Auschwitz-Birkenau. Installée aux quatre coins du pavillon familial, qui jouxte directement les camps, la caméra de Glazer enregistre la bourgeoisie dans ce qu’elle contient de plus normale. C’est là le point décisif: la normalité avec laquelle le cinéaste représente la vie familiale des Höss exacerbe l’horreur du processus génocidaire plus qu’elle ne la minimise. Discussions autour des fours et des cheminées, baignades dans la piscine, repos dans le domus, enfants qui jouent dans le jardin: autant de gestes, capturés en grand angle, qui disent la nature glaciale et rationnelle du génocide. La simplicité de l’installation cristallise le sang.

Seulement, la routine figurée dans le champ n’est pas exactement ce qui fait la singularité vertigineuse du dispositif. Car La Zone d'intérêt est une œuvre qui se dédouble, mieux, une œuvre où le hors-champ engloutit sans cesse le cadre, jusqu’à le dissoudre dans l’abstraction le plus effroyable. C’est précisément car elle se refuse à toute reconstitution figurative que l’horreur concentrationnaire dévore constamment ce qui se trame dans l’image. Sublimation de la puissance évocatrice du hors-champ sur laquelle se bâtit une œuvre qui, à n’en point douter, fera Histoire.

Le défi est grand: écrire un papier qui rende honneur à ce long métrage, dont l’immensité contraint d’appréhender avec déception son Grand Prix - le deuxième prix de la sélection, derrière la Palme d’or. Le sacre a donc valeur d’acte manqué, puisque c’est évidemment trop peu au vu du choc reçu. Neuf ans après l’audacieux Under The Skin, Jonathan Glazer fait preuve avec La Zone d'intérêt d’encore plus de témérité: filmer la Shoah depuis un point de focal inédit, celui du quotidien de Rudolf Höss, commandant SS du camp d’Auschwitz-Birkenau. Installée aux quatre coins du pavillon familial, qui jouxte directement les camps, la caméra de Glazer enregistre la bourgeoisie dans ce qu’elle contient de plus normale. C’est là le point décisif: la normalité avec laquelle le cinéaste représente la vie familiale des Höss exacerbe l’horreur du processus génocidaire plus qu’elle ne la minimise. Discussions autour des fours et des cheminées, baignades dans la piscine, repos dans le domus, enfants qui jouent dans le jardin: autant de gestes, capturés en grand angle, qui disent la nature glaciale et rationnelle du génocide. La simplicité de l’installation cristallise le sang.

Seulement, la routine figurée dans le champ n’est pas exactement ce qui fait la singularité vertigineuse du dispositif. Car La Zone d'intérêt est une œuvre qui se dédouble, mieux, une œuvre où le hors-champ engloutit sans cesse le cadre, jusqu’à le dissoudre dans l’abstraction le plus effroyable. C’est précisément car elle se refuse à toute reconstitution figurative que l’horreur concentrationnaire dévore constamment ce qui se trame dans l’image. Sublimation de la puissance évocatrice du hors-champ sur laquelle se bâtit une œuvre qui, à n’en point douter, fera Histoire.

Kevin Pereira

UN AUTRE AVIS

Dix ans après son dernier film Under The Skin, mettant en scène une Scarlett Johansson extraterrestre séduisant des hommes pour en vider leur substance vitale et saisir leur enveloppe corporelle, Jonathan Glazer, revient avec un nouveau concept fort: montrer Auschwitz depuis la maison familiale du gestionnaire du camp.

La mise en place de ce dispositif puissant, adapté du roman de Martin Amis, permet de mettre en scène le caractère industriel du génocide juif, et de refléter un changement de paradigme alimenté par les recherches historiques des dernières trois décennies. Ce génocide a d’abord empli d’effroi l’Occident, qui se demandait comment une population civilisée comme l’Allemagne pouvait commettre des crimes aussi atroces. Tellement effrayants, que la Communauté européenne créera des institutions mémorielles afin que de telles horreurs ne puissent plus jamais se reproduire sur son territoire. Alors que Johann Chapoutot se penche sur l’histoire culturelle du nazisme et Wendy Lower sur le mécanisme du régime nazi à travers la place des femmes dans la Shoah, d’autres historiens examinent la rationalisation des méthodes nazies. Ce qui, d’ailleurs, nous amène à souligner les difficultés de l’Occident à envisager le génocide hors de son territoire.

C’est donc cette promesse d’exposer la «banalité du mal» que propose ce film. Et la claque est au rendez-vous. La Zone d’intérêt, primé maintes fois, offre des images frappantes. La conception sonore est splendidement exécutée et nous prend par les tripes. C’est du reste le même ingénieur du son, Mica Levi, qui avait composé la bande-son de Under The Skin. Cependant, une fois passée l’émotion de l’expérience de la salle obscure, un petit doute s’installe. Ce doute, bien qu’il ne remette pas en question la maîtrise esthétique de l’œuvre, nous permet de réfléchir à ses quelques faiblesses, malgré le fait que la distributeur A24 soit un gage de qualité. Exprimé souvent par des plans larges, fixes, parfois frontaux et désaxés, le point de vue de la famille du SS Rudolf Höss démontre le décalage malaisant entre l’idéologie du Troisième Reich et la violence qui en découle. Ces violences apparaissent à travers des éléments de l’arrière-plan, un fond sonore oppressant, des dialogues et des échanges de regards. De plus, les actrices et acteurs réussissent à performer des émotions contradictoires et profondes. La famille et ses dysfonctionnements servent également de miroir à l’idéologie du régime. Cette froideur dans la représentation de la famille échoue à capter son quotidien, et le hors-champ ne peut que supposer l’horreur. Et pourtant, n’oublions pas que les nazis étaient aussi des êtres banals.

Ani Gabrielyan

Kevin Pereira

Appréciations

Nom Notes
Kevin Pereira 17
Ani Gabrielyan 16
Marvin Ancian 19
Noémie Baume 19
Amandine Gachnang 17
Pierig Leray 18
Joas Maggetti 18
Tobias Sarrasin 18