Les Herbes Sèches

Affiche Les Herbes Sèches
Réalisé par Nuri Bilge Ceylan
Titre original KURU OTLAR ÜSTÜNE / ABOUT DRY GRASSES
Pays de production Turquie
Année 2023
Durée
Musique Philip Tiomfeye
Genre Drame
Distributeur Trigon
Acteurs Deniz Celiloglu, Merve Dizdar, Musab Ekici, Ece Bagci
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 914

Critique

Nuri Bilge Ceylan, immense réalisateur turc, signe avec Les Herbes sèches un nouveau film magistral. Fidèle à ses thématiques et sa mise en scène millimétrée, il nous plonge dans une épopée de plus de trois heures qui sonde les tréfonds de l’âme humaine. Grandiose!

Dans un paysage parfaitement enneigé se dégage une silhouette marchant le long d’une route. Samet (Deniz Celiloglu) rejoint le petit village reculé où il officie en tant que professeur d’art. Au premier abord progressiste, ouvert d’esprit et politiquement orienté à gauche, l’homme est accueilli chaleureusement. Premier contraste avec l’environnement glacial qui sert de décor, mais pas le dernier. Dans la salle des enseignants, avec ses élèves ou quand il offre des cadeaux au voisinage, Samet est confiant et affable. Lorsque deux écolières (notamment la jeune Sevim dont il semble très proche) l’accusent d’avoir eu des gestes déplacés, son vrai visage voit le jour.

Comme dans la plupart de ses films, Ceylan pose sa caméra dans les paysages majestueux d’Anatolie. À l’immensité et le calme des alentours vient s’opposer la petitesse de l’être humain. Une fois accusé, Samet va se dévoiler. Tout d’abord en réagissant de manière virulente face à sa classe. Lui qui rêve d’être muté dans une grande ville (il se demandera régulièrement «ce qu’il fait là»), exprime son mépris de classe en promettant à ses élèves un avenir de cultivateurs de patates. Puis en voyant grandir sa jalousie et son impuissance.

Car le réel nœud de cette histoire ne se cache pas tant dans l’accusation à l’encontre de Samet que dans la relation triangulaire qu’il mène avec Kenan (son collègue et colocataire, lui aussi accusé) et Nuray (Merve Dizdar, Prix d’interprétation féminine à Cannes), une autre enseignante et ancienne activiste mutilée au cours d’une manifestation. Cette dernière - comme le sont souvent les figures féminines dans les films de Ceylan - sera le véritable contrepoint du récit. Face au cynisme de Samet, elle oppose une vision du monde qui prône l’action. Lors d’une scène monumentale de repas entre les deux personnages (Kenan ayant été évincé par la jalousie de son colocataire), le professeur revendique en toute éloquence sa passivité et s’enfonce dans sa misanthropie. Ce long dialogue de plus d’une demi-heure et véritable point d’orgue du long métrage scellera le sort de Samet (au détour d’une rupture de l’axe, d’une brise inattendue agitant les cheveux de Nuray, puis d’un tour de passe-passe faisant littéralement échapper le protagoniste du récit). Et, par la même occasion, toute la puissance de l’œuvre.

C’est inévitablement chamboulé par sa densité thématique et sa volubilité que l’on sort des 3 h 17 qui composent Les Herbes sèches. Cependant, l’on sait indéniablement que l’on vient de voir quelque chose de grand. Au vu de la filmographie de son auteur, l’inverse aurait étonné.

Marvin Ancian

Appréciations

Nom Notes
Marvin Ancian 18
Pierig Leray 18
Joas Maggetti 16
Geneviève Praplan 18
Tobias Sarrasin 16