Soudain seuls

Affiche Soudain seuls
Réalisé par Thomas Bidegain
Pays de production France, Belgique, Islande
Année 2023
Durée
Musique Raphaël
Genre Aventure, Drame
Distributeur Frenetic
Acteurs Mélanie Thierry, Gilles Lellouche
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 913

Critique

Après de nombreux films en tant que scénariste pour Jacques Audiard, Bertrand Bonello, Tom McCarthy ou Jean-Jacques Annaud, Thomas Bidegain adapte à l’écran un roman de la navigatrice Isabelle Autissier, publié en 2015. Un film solide et bien fait, aux décors magnifiques, avec une première moitié statique et parfois un peu longue, mais largement rehaussée par une seconde partie passionnante.

Laura et Ben forment un couple en danger, qu’ils décident de sauver en faisant un tour du monde en bateau. Dans la région antarctique, une erreur de jugeote et un caprice météorologique les condamnent à se retrouver seuls sur une île non pas déserte, mais désertée (la nuance aura toute son importance, ce qui permettra de situer le récit dans la réalité contemporaine). Il va donc falloir, en n’ayant rien sous la main, trouver de quoi se chauffer à l’approche de l’hiver, se nourrir au quotidien, accepter la supériorité de la Nature sur l’Homme, abandonner l’illusoire espoir que les secours seront là dans peu de temps. Mais aussi «profiter» de ce face-à-face sans issue pour, enfin, se parler à cœur ouvert et voir si leur amour mérite d’être sauvé. Ce sont ces scènes-là, verbeuses, entre deux personnages qui ne se comprennent pas, qui sont par moments illustratives, même si elles ne sont pas hors sujet.

Deux uniques personnages et unité de lieu: le film réussit intelligemment à ne pas tomber dans le piège de l’exercice de style qu’il aurait pu être. D’abord grâce à la stupéfiante beauté froide des images tournées en Islande, sur une terre désolée qui fait parfois penser à la surface lunaire. Également grâce à l’évolution des personnages. Au début, Laura n’est guère engageante. Égoïste et plutôt antipathique, elle fera de plus en plus preuve de courage et de débrouillardise. Ben fera un autre chemin, quittant son optimisme pour s’enfermer progressivement dans ses peurs et ses rancœurs. Se retrouveront-ils? Dépasser ses limites, savoir jouir de l’instant présent, réapprendre à avoir les yeux ouverts, tels sont les défis qui attendent les protagonistes.

Les deux interprètes sont impeccables. On a toujours beaucoup aimé Gilles Lellouche, dans d’excellents films comme La French ou Goliath, mais aussi dans les œuvres ratées telles qu’Adieu Monsieur Haffmann, dont il était quasiment le seul point fort. Quant à Mélanie Thierry, elle avait toujours été, malgré ses qualités, une comédienne passe-partout, second rôle efficace, mais rien de transcendant. Or là, dans ces conditions difficiles, dans ses silences, ses douleurs, ses regards, elle n’est pas loin de livrer sa plus mémorable performance.

Le roman d’Isabelle Autissier était en deux parties; le survivalisme au début, puis le retour du couple à Paris et les conséquences de l’aventure sur leur futur commun. Le film ne montre que l’épisode «survie», l’avenir n’a pas d’importance. Mais la fin est très maligne, car il semble s’orienter soit vers une conclusion dramatique absolue soit vers un happy end total et simpliste. Or, au tout dernier moment, en un dernier plan, Thomas Bidegain nous suggère une troisième solution excellente, symbolique et digne de l’aventure (y compris intérieure) vécue par les personnages.

Philippe Thonney

Appréciations

Nom Notes
Philippe Thonney 14