Priscilla

Affiche Priscilla
Réalisé par Sofia Coppola
Titre original Priscilla
Pays de production États-Unis, Italie
Année 2023
Durée
Musique Phoenix
Genre Biopic, Drame
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Cailee Spaeny, Jacob Elordi
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 913

Critique

Avec la transposition sur grand écran du roman biographique Elvis And Me (1985) de Priscilla Beaulieu Presley, Sofia Coppola offre à nouveau le portrait d’une jeune adolescente, évoluant dans un monde d’adultes qu’elle ne saisit pas entièrement. Loin des projecteurs et derrière les portes closes, Priscilla est l’histoire trouble du célèbre couple, perçue à travers le prisme de la subjectivité féminine.

Qu’est-ce qui lie Marie-Antoinette (2006) et Priscilla, si ce n’est la figure d’une jeune adolescente de 14 ans, malmenée dans un monde d’adultes qu’elle tentera peu à peu d’intégrer. Emprisonnées dans une cage dorée, l’une à Versailles, l’autre à Graceland, tant Marie-Antoinette que Priscilla sont des jeunes héroïnes innocentes aux prises avec la toxicité de leur environnement social. Elles sont avant tout des êtres vulnérables dont la difficulté de grandir en tant que femme devient le thème principal du film, et celui abordé majoritairement dans le cinéma de Sofia Coppola.

En novembre 1959, Elvis Presley (Jacob Elordi), alors âgé de 24 ans, est, durant son affection dans la U.S. Army, en poste à Bad Nauheim (Allemagne). Lors d’une soirée dans sa maison, il rencontre Priscilla Beaulieu (Cailee Spaeny). Entre lui, chanteur déjà célèbre et adulé, et elle, écolière américaine anonyme de 14 ans, l’attirance est immédiate. En raison de leur grande différence d’âge et du fait que Priscilla est encore mineure, leur romance débute dans le secret. À la fin de son service, en mars 1960, Elvis repart pour les États-Unis. Mais, deux ans après, Priscilla, supportant mal son absence, le rejoint au Tennessee. S’ensuit un mariage tumultueux, dont certains traits sombres du King of Rock and Roll la confineront dans le rôle d’une jeune épouse soumise, souvent abandonnée et trompée.

Dans ce film, tout, ou presque, débute et finit à Graceland, puisque la demeure d’Elvis est à la fois le lieu et la fin de leur amour compliqué. Il est aussi celui du douloureux cheminement de Priscilla, de l’adolescence vers l’âge adulte. Soumise aux caprices d’un époux volage et machiste, lui-même en proie à des tourments, elle tente tant bien que mal de s’épanouir en tant que femme. Malgré les paillettes et les fêtes, de Las Vegas à Memphis, Satnin (petit nom que lui donne Elvis) se retrouve souvent déboussolée par son environnement personnel et par le monde extérieur. Derrière les riches décors et les somptueux vêtements des années 1960 (minutieusement reconstruits, avec un visuel proche des photographies de William Eggleston), se cache une biche aux abois. Isolée dans un entre-deux, et fréquemment saisie par un cadrage serré, elle est piégée dans un espace métaphorique et existentiel. En mobilisant une esthétique délicate et éthérée, la cinéaste américaine porte une attention particulièrement bienveillante sur son sujet. Par un regard différencié, déconstruit et distancé du «male gaze», elle relate l’expérience de son héroïne sans l’objectiver. Et bien que les gros plans puissent parfois l’enserrer, ils ouvrent l’accès à sa subjectivité et à son intériorité féminines. Sublimé par de lents mouvements de caméra et par une lumière évanescente, le visage de Priscilla offre souvent un regard mélancolique mais très expressif.

Quoiqu’il ne soit pas aussi remarquable que Virgin Suicides (1999), loin s’en faut, ce film de femmes (raconté par Priscilla Presley, filmé par Sofia Coppola, et porté par la belle performance de Cailee Spaeny) peut fièrement se placer comme le contre-pied féministe d’Elvis (2022) de Baz Luhrmann.


Kim Figuerola

Appréciations

Nom Notes
Kim Figuerola 15
Marvin Ancian 11
Joas Maggetti 13
Amandine Gachnang 12