Moi capitaine

Affiche Moi capitaine
Réalisé par Matteo Garrone
Titre original IO CAPITANO
Pays de production Italie, Belgique
Année 2023
Durée
Musique Andrea Farri
Genre Drame
Distributeur Pathé Films
Acteurs Seydou Sarr, Moustapha Fall, Bamar Kane
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 913

Critique

Deux cousins, Seydou et Moussa, rêvent d’Europe. Ils veulent quitter le Sénégal pour une vie meilleure, et fantasment d’une réussite dans la chanson. Après six mois de durs labeurs, ils amassent assez de billets pour le grand départ.

N’allons pas par quatre chemins, le film est médiocre. Tout d’abord par son ouverture. Dakar est filmée par un regard de colonisateur. En édulcorant la pauvreté par du folklore, avec ces scènes de danse qui veulent nourrir une image «exotique», Garrone parodie «l’imaginaire africain» d’une bourgeoisie blanche, déconnectée des réalités géopolitiques. Cette bourgeoisie qui ne semble posséder aucune notion des conflits ethniques, de la pauvreté galopante et du changement climatique qui accélère les catastrophes agricoles. Elle semble surtout percevoir la crise migratoire, non pas comme une question de survie, mais comme un simple fantasme.

En fait, le cinéaste présente le thème de la crise migratoire, avec un argumentaire d’extrême droite, décrivant ce phénomène social comme un flot d’individus qui ne partent que pour s’enrichir, motivés par un délire fanatique de starification. En effet, dans le film, les cousins se projettent en rappeurs à succès et s’imaginent déjà «signer des autographes aux Blancs». Pourtant, le chemin de croix ne fait que débuter. Lors du grand départ en bus, sur une musique folk entraînante, la séquence est filmée comme un «road trip» sur la Route 66. Alors que les deux cousins traversent le désert, Garrone, en quêtant la «belle image» qui représenterait le désespoir, tente un humour pitoyable pour désamorcer les drames qui vont suivre.

Mais, il fallait bien aussi du tragique dans ce romantisme migratoire lamentable. Ainsi, Garrone réussit l’exploit de filmer l’horreur en démontrant des scènes insoutenables de tortures, de cadavres filmés en coin, de visage tuméfié (celui d’un des deux cousins), afin de justifier une image de «film choc». Il se trompe. Car en vérité, l’horreur et la véritable tragédie (celles qu’il a oublié de filmer justement) sont ce départ et cet arrachement de ces gamins de leur terre natale et de leurs racines. Alors qu’ils n’ont pas d’autre choix que de partir, Garrone tente de nous prouver le contraire.

La dernière demi-heure enfonce le clou. Seydou, en prenant la barre d’un bateau migratoire pour la Sicile, devient alors le «capitaine». Et pour distiller un peu de théâtralité, le réalisateur italien additionne des saynètes surjouées: une femme enceinte en passe d’accoucher, des malaises en fond de cale, une bataille pour un bidon d’eau par ici, des cohues par-là. Mais là où il aurait dû montrer la tragédie de ces embarcations de fortune, filmer ces humains qui risquent tout, même la vie de leurs propres enfants, il ne fait que caricaturer et déshumaniser les migrants.

Le Lion d’argent du meilleur réalisateur, pour Garrone, et le Prix du meilleur espoir, pour Seydou Sarr, ainsi que la présence de Besson, Polanski et Allen, de vieux grabataires justifiables, à la dernière Mostra de Venise, nous fait beaucoup douter de la pertinence de Damien Chazelle, président du Jury, et de l’édition 2023, tout entière. Oyez matelots, passez votre chemin de ce dramatique naufrage à la morale déplorable.

Pierig Leray

Appréciations

Nom Notes
Pierig Leray 5