La Tresse

Affiche La Tresse
Réalisé par Laetitia Colombani
Titre original The Braid
Pays de production Italie, France, Canada, Belgique
Année 2023
Durée
Musique Ludovico Einaudi
Genre Drame, Cinéma transnational
Distributeur Praesens-Films
Acteurs Kim Raver, Fotinì Peluso, Mia Maelzer
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 912

Critique

En entrelaçant trois destins de femmes aux univers éloignés, La Tresse ose la parallélisation, l’enchevêtrement et la comparaison de figures toutes sujettes aux conséquences des mêmes maux: les structures et traditions patriarcales. Qu’il s’agisse des bureaux ultramodernes des cols blancs du Montréal néolibéral, des traditions familiales italiennes qui demandent aux femmes de faire un pas en arrière dans les affaires professionnelles ou encore des castes indiennes qui déterminent socialement le devenir d’un individu, le film désire donner espoir à ses trois héroïnes, et leur permettre, peut-être, de percer cette bulle de verre misogyne qui les entourent. Un défi réussi?

Le film s’ouvre sur Smita (Mia Maelzer) qui tresse les cheveux de sa fille. Elle ne rêve que d’une chose: qu’elle puisse aller à l’école et suivre les cours du brahman local, afin qu’elle se soustraie à sa condition d’intouchable. Giulia (Fotini Peluso), en observant la mer Adriatique, apprend que l’atelier de perruque de son père est criblé de dettes et décide de reprendre l’affaire. Pour finir, Sarah (Kim Raver), mère et avocate, qui s’apprête à prendre la tête d’un cabinet à succès, découvre avoir un cancer du sein. Dans la première demi-heure, le film prend son temps et ancre chacun des contextes sociaux et nationaux de ses protagonistes et évite l’occidentalocentrisme de leurs motivations. Chacune a ses besoins particuliers, ses volontés propres et affronte des difficultés de vie singulières. Smita doit trouver assez d’argent pour prendre le train et, ainsi, espérer fuir sa condition de dalit, Giulia refuse le mariage économique et arrangé proposé par sa mère, tandis que Sarah doit combattre le sexisme quotidien des bureaux d’affaires montréalais.

Le montage est construit comme une structure en tresse qui tisse des liens autour du symbole capillaire. Images très fortes: Smita et sa fille versent leurs cheveux en offrande aux dieux et déesses hindous, cheveux réutilisés par les ouvrières italiennes, tandis que Sarah use des produits de ces manufactures pour l’aider à accompagner émotionnellement le traitement de son cancer du sein.

Il s’agit de l’unique rencontre symbolique entre les trois femmes. Le film ne questionne pas les dynamiques de classes, de genre et d’ethnie dans un contexte de mondialisation qui lient pourtant les héroïnes. Leurs récits sont pensés comme des tresses narratives qui ne se croisent qu’à de rares occasions. Et ils se manquent.

En outre, le film propose une manière très individualiste de résoudre les difficultés de chacune. Certes, des moments de sororité existent, mais l’œuvre ne se repose principalement que sur l’agir des trois femmes, en oubliant progressivement les contextes sociaux et politiques qui restent continuellement présents. Comme si ceux-ci s’effaçaient au fur et à mesure de l’avancée du récit. La réalisatrice, Laetitia Colombani, qui a adapté son propre roman éponyme à l’écran, se décrit elle-même comme se sentant très proche de Sarah, en tant que femme, blanche, bourgeoise et naviguant dans des sphères élitistes (culturelles pour Laetitia et professionnelles pour Sarah). Une vision qui teinte ainsi sensiblement le récit dans son déroulement.

La Tresse est une œuvre de son temps. Les récits décrivent des contextes patriarcaux différenciés, tout en oubliant de tisser entre eux les liens du monde contemporain. Sarah, Smita et Giulia se battent et essayent à tout prix de pouvoir sortir d’une condition qui pourrait déterminer leur devenir, tout en oubliant qu’entre elles des liens sociaux et de domination subsistent.

Julien Norberg

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