Silent Night

Affiche Silent Night
Réalisé par John Woo
Titre original Silent Night
Pays de production États-Unis
Année 2023
Durée
Musique Marco Beltrami
Genre Action, Thriller
Distributeur Ascot Elite
Acteurs Catalina Sandino Moreno, Joel Kinnaman, Harold Torres, Kid Cudi
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 912

Critique

Vingt ans, depuis Paycheck en 2003, que John Woo n’était pas revenu à Hollywood. Il a tourné dans sa Chine natale plusieurs films durant ces années, dont le très réussi Les 3 royaumes, poursuivant dans son domaine de prédilection, le film d’action ou le thriller. Signalons au passage que John Woo mérite mieux que sa réputation de simple faiseur de polars violents hollywoodiens. Même si son œuvre est qualitativement inégale et que nous n’avons pas vu tous ses films chinois, le cinéaste a un indéniable métier et une virtuosité technique.

Il le prouve dès les premières secondes de Silent Night, où l’action spectaculaire ne laisse pas le temps de souffler. Une poursuite en voiture délirante sous un déluge de balles. Peu à peu, grâce à des flash-back, nous découvrons le destin tragique d’un homme du commun, dont la vie et la famille seront détruites par l’impitoyable et violente guerre des gangs qui gangrène son quartier. Se perdant dans sa douleur et son désir de vengeance, il va s’entraîner pour devenir une machine à tuer, et éliminer progressivement tous les gangsters et les voyous responsables de son malheur. Le western en jungle urbaine s’installe, le tout sous les yeux d’un flic qui comprend ce qui se passe, mais qui laisse faire; car, après tout, des gangs qui s’entre-tuent, c’est toujours ça de gagné. Le film sera donc une succession d’action, de violence, de cascades et de morts brutales. La mise en scène fourmille de trouvailles, d’effets efficaces, de gros plans ou de ralentis bien trouvés. Sur un plan strictement filmique, mise en scène, technique, rythme, le film mérite une excellente note.

Mais après la projection-défouloir, qu’en reste-t-il? Rien, car il n’y a aucune critique, aucun point de vue. Alors heureusement ici, nulle «morale» telle que prônée par les films glorifiant l’autodéfense, comme l’ignoble Death Sentence de James Wan ou surtout comme les dangereux navets tournés par Charles Bronson, Un justicier dans la ville et ses suites (cité par Donald Trump comme étant son film préféré, ce qui montre le niveau culturel du personnage en plus du reste). Contrairement à ces œuvres discutables, le héros de Silent Night n’en est justement pas un, il n’a d’autre issue que le gouffre et l’impasse. Impasse de la vengeance, de l’amour, de la violence, de la vie. Mais le film n’a pas non plus l’humour, noir ou franc, qui caractérisait le premier Equalizer, le meilleur des trois, ce qui permettait de prendre un peu de distance avec la violence et de le voir comme un divertissement. Le cinéaste montre d’autre part, sans exprimer le moindre sentiment là-dessus, de quelle manière on peut s’acheter un arsenal au coin de la rue ou fabriquer des armes mortelles dans sa cave. Comment devenir un tueur grâce à internet, regarder sans états d’âme le sang couler à flots, et la réalité dans laquelle la société est folle, pourrie par la vengeance, la violence et la loi de la jungle. Les impasses susmentionnées auraient dû être dénoncées, interrogées, contredites, au lieu d’être simplement montrées avec complaisance et sans prise de risque. Quant à la dernière scène se voulant touchante, et qui met en scène le seul personnage auquel on s’identifie, à savoir l’épouse délaissée, elle est bâclée, mal écrite. Ce qui démontre que John Woo et son scénariste n’auraient pas dû se concentrer que sur le spectaculaire.

En résumé, si le cahier des charges pour un film d’action est excellemment rempli, si Silent Night n’est pas franchement nauséabond idéologiquement, il n’est qu’esbroufe. Il se contente de faire peur en dépeignant une société folle et gangrénée, dans laquelle la violence décomplexée est le seul chemin possible pour tout le monde. Ce qui est tout de même très simpliste. Que John Woo choisisse un meilleur scénario la prochaine fois, son savoir-faire fera le reste.


Philippe Thonney

Appréciations

Nom Notes
Philippe Thonney 6