How To Have Sex

Affiche How To Have Sex
Réalisé par Lara Peake
Titre original How To Have Sex
Pays de production Royaume-Uni, Grèce
Année 2023
Durée
Musique James Jacob
Genre Drame
Distributeur Praesens-Film
Acteurs Lara Peake, Mia McKenna-Bruce, Samuel Bottomley, Enva Lewis
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 911

Critique

Le spectateur se sent forcément en empathie devant les outrages sexuels subis par Tara (Mia McKenna-Bruce), l’une des membres du trio de copines se rendant en Crète pour danser, boire de l’alcool et draguer. Il est cependant fâcheux que cette identification fasse écran à notre regard.

Le regard, c’est précisément ce qui manque à ce film. A l’inverse de sa fonction primitive, la caméra, ici flottante, tremblotante, collant aux corps des personnages, constitue un dispositif de non-regard. Il s’agit pour la réalisatrice Molly Manning Walker de produire une mise en scène mimétique à l’ivresse et à la jeunesse. L’appareil lui-même semble «bourré»: réflexe scolaire consistant à absolument traduire par des effets formels - somme toute très artificieux - les états mentaux de sa protagoniste.

Le film manque ainsi cruellement de distance. L’intensité supposée de la mise en scène est une intensité factice, résidant dans une pulsion de «remplir» constamment le cadre. Le remplir de danses, de cris, de rires, de beuveries, en bref de tout le bestiaire des gestes propres aux pools partys estivales. How To Have Sex se limite ainsi en un catalogage de postures clichées, et rate la zone esthétique où il aurait été une œuvre si puissante: l’hors-champ. Ce dernier n’existe tout simplement pas. Chez Molly Manning Walker, tout se limite au champ. Aucune zone invisible ne subsiste. Le vide est conjuré.

Nous prendrons un exemple extrêmement simple: vers la moitié du métrage, Tara disparaît (elle réapparaîtra plus tard), provoquant l’inquiétude de ses amies. Le film aurait pu ici laisser un blanc, plongeant le spectateur dans le doute quant à ce qui est arrivé. Au lieu de cela, par un flash-back esthétiquement dévastateur, Manning Walker montre banalement la suite d’événements que Tara a vécus cette nuit-là. Le mystère s’envole. Il est cependant très ironique que cette séquence, sans doute la plus faible du film, accouche aussi de son plus beau cadre: un plan large - un des rares dans cette œuvre à même les corps -, fixe, sur une rue déserte jonchée de déchets - nous sommes le matin, les jeunes fêtards dorment. Vide, absence, traces laissées par la vie nocturne et dionysiaque: tout est dit.

Dommage que ce plan magnifique et exceptionnellement vide apparaisse presque comme un miracle et un mirage, dans un film obsédé par le plein. En bref, «bien» filmer, c’est parfois «ne pas» filmer. En termes camusiens, nous dirions: un grand cinéaste, ça s’empêche.


Tobias Sarrasin

Appréciations

Nom Notes
Tobias Sarrasin 9