Lost Country

Affiche Lost Country
Réalisé par Vladimir Perisic
Titre original Lost Country
Pays de production Serbie, France, Croatie, Luxembourg
Année 2023
Durée
Musique Alen Sinkauz, Nenad Sinkauz
Genre Drame
Distributeur CityClub
Acteurs Jasna Đuričić, Jovan Ginic, Miodrag Jovanovic
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 911

Critique

Dans le tumulte des révoltes étudiantes qui ont secoué la Serbie en 1996, le film Lost Country de Vladimir Perišic nous plonge dans le tourment intérieur de Stefan, un adolescent déchiré entre l’ardeur révolutionnaire et les liens du sang. Ce drame poignant explore les conflits d’une nation et d’une famille, incarnés par un jeune homme pris dans la tourmente d’une époque charnière.

Au seuil des révoltes étudiantes de 1996, Stefan (Jovan Gini?), 15 ans, est pris entre deux feux: sa conscience démocrate le pousse à rejoindre l’opposition contestataire - le peuple - qui s’embrase à la suite du trucage des dernières élections, et l’amour qu’il porte à sa mère, porte-parole du régime oppressif de Slobodan Miloševic. Nous sommes en Serbie, ex-Yougoslavie, encore boursouflée par les guerres séparatistes. Le ressentiment et le mensonge systémique rongent ce second long métrage du réalisateur serbe Vladimir Perišic qui a vu son pays d’origine se faire démembrer par les vagues successives de massacre, protestation et autoritarisme.

C’est avec justesse que cette douleur infinie, ayant marqué plusieurs générations d’ex-Yougoslaves au fer rouge, est amèrement invoquée dans les yeux de Stefan. Comme lui, le réalisateur partage un dilemme idéologique, sa mère était également apparatchik. À défaut de crier la haine à l’instar de son précédent film Ordinary People traitant du conflit serbo-croate, Lost Country est plus subtil dans son témoignage de l’horreur puisque profondément intimiste, en transmettant avec puissance un ressentiment de déchirure psychologique. Le jeune Stefan subit impuissant, la violence d’une politique qui le fait vivre confortablement, mais qui opprime ses amis, voisins, compatriotes, qui le réduise en retour en martyre pour une appartenance qu’il n’a pas choisie. De l’autre côté, l’amour de filiation découlant d’une pensée bourgeoise malade, gangrène l’atmosphère sans vraiment se révéler. Un précis de cinématographie tout en métaphore - le banal est de mise, la gravité est placée sous silence à l’image du gouvernement de Miloševic, incarné par Marklena, dans cette figure maternelle glacialement implacable sous les traits de Jasna Ðuri?ic. Tout se tait, mais le soir entre les murs de l’appartement familial, la propagande s’organise à rideaux fermés. Ce déchirement, magistralement interprété par Jovan Ginic, résulte d’une écriture scénaristique solide et sensible à la fois, combiné à une préparation dont on saluera de très haut sa portée. Entre la loyauté envers sa mère et son élan vers la justice démocratique, Stefan incarne ainsi la lutte entre l’amour filial et l’appel de la conscience. Lost Country est une exploration intime de la douleur d’un pays et de ses citoyens, un récit qui résonne avec l’écho d’un passé encore vif, capturé avec une intensité qui transcende l’écran. Sur tout le rythme de ce long métrage, se construit dans notre propre bouche, un acide sentiment de liberté avorté.

Emilie Fradella

Appréciations

Nom Notes
Emilie Fradella 17