Le Garçon et le Héron

Affiche Le Garçon et le Héron
Réalisé par Hayao Miyazaki
Titre original Kimi-tachi wa dō ikiru ka
Pays de production Japon
Année 2023
Durée
Musique Joe Hisashi
Genre Animation, Fantastique, Drame
Distributeur Frenetic
Acteurs Takuya Kimura, Masaki Suda, Soma Santoki, Aimyon
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 910

Critique

À 83 ans, Hayao Miyazaki nous donne tort. Au crépuscule de sa vie, il nous livre un film prodigieux, un miracle de cinéma. Apogée de cinquante ans de carrière, Le Garçon et le Héron célèbre la vie - avant, pendant, et après la mort.

Disons-le d’emblée. Les férus du maître de l’anime risquent d’être emplis d’un sentiment d’étrangeté: cela ne ressemble pas à un Miyazaki. Pendant les dix ans qui séparent ce film de Le Vent se lève, Miyazaki a travaillé d’arrache-pied pour se réinventer. Les techniques d’animation hétéroclites s’entremêlent, le scénario ose s’aventurer dans les zones dédaléennes des abstractions, et la densité des images et des propos fera taire le plus alerte des spectateurs.

Sans transition.

«Comment faites-vous pour vivre?» Tel est le titre en japonais. Sans doute le titre a-t-il été jugé trop invectivant pour un public occidental. Ce titre, c’est celui d’un célèbre roman progressiste de 1937, écrit par Genzabur? Yoshino, auteur parfaitement inconnu par chez nous. L’histoire d’un adolescent de 15 ans qui vit avec sa mère dans une maison de campagne, après le décès de son père. Les similarités avec le scénario de Miyazaki ne s’arrêtent pas là, mais je m’abstiendrai de les étayer.

Comment fait-on pour vivre, au juste? Forcément, d’aucuns attendraient des réponses de nature existentialiste: l’amour, l’espoir, la famille… C’est que vous avez raté la question. Pour Miyazaki, cela est beaucoup plus concret: c’est l’équilibre précaire entre un cylindre, une sphère et un cône. C’était Paul Cézanne qui disait à Émile Bernard «Traitez la nature par le cylindre, la sphère, le cône»… Pour vivre, il faut être l’enfant qui joue avec ses plots.

Nous pouvons aimer des fantômes, suer du sang, parler aux hérons, lamenter la mort d’un être cher, mais, Miyazaki nous dit, tout cela peut se ramener à ces trois volumes. Trois formes qui dessinent des milliards de mondes possibles. Le vieux poète essaie de les réarranger sans cesse, oscillant toujours entre la création et le chaos total. Il lui faudra tôt ou tard une relève, car il finira bien lui aussi par vaciller.

Et soudain.

«Rebroussez chemin, et dites à mon peuple que j’ai été un vrai roi.» Ainsi parle le dernier personnage, le Roi des Perruches, qui aurait pu être un antagoniste facile. À la place, il incarne la tragédie. Chevalier à l’allure noble et ridicule à la fois, dans un pays sans ennemi à abattre, il est Don Quichotte: la fiction qui se rebelle contre son créateur. En se sacrifiant, il permet à l’art de perdurer en dehors des formes, en dehors des cadres, et de connaître l’éternité dans l’imagination de ceux qui y assistent. Que le poète écrive encore ou non, que le cinéaste tourne encore ou non, que l’alchimiste transmute ou non, ce qu’ils ont créé ne périra plus. C’est à nous, spectateurs, de porter ce fardeau désormais.

À la fin, tous retrouvent la forme qu’ils sont supposés avoir. Venons-nous d’assister à une ritournelle de plus dans le grand livre des mondes possibles? Ou serait-ce Miyazaki qui célèbre les funérailles de son œuvre dans l’un des plus beaux adieux au cinéma?

Si tout cela vous semble obscur, tant mieux.

Anthony Bekirov

Appréciations

Nom Notes
Anthony Bekirov 19