Anselm 3D

Affiche Anselm 3D
Réalisé par Wim Wenders
Titre original Anselm - Le bruit du temps
Pays de production Allemagne
Année 2023
Durée
Musique Leonard Küssner
Genre Documentaire
Distributeur DCM
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 909

Critique

Explorer les œuvres d’Anselm Kiefer, c’est concevoir que tout commence avec la Stunde Null. «L’heure zéro», notion d’histoire qui marque la fin de la Seconde Guerre mondiale, occulte le passé et remet les compteurs à zéro. Dans une Allemagne en ruines, ce déni place au centre la survie socioculturelle de son peuple. Pour l’artiste allemand, cette impasse sur l’inhumanité devient le désespoir qui nourrit son art. Anselm - Le bruit du temps est donc une immersion en 3D au cœur d’un enjeu mémoriel.

La Stunde Null est ce temps spécifique du 8 mai 1945 qui symbolise à la fois la délivrance et l’effondrement de l’Allemagne. Bien que pour beaucoup d’Allemands ce nouveau départ ait été salutaire, pour certains intellectuels modernes, comme Johannes R. Becher ou Theodor W. Adorno, cette tabula rasa a engendré un grand désespoir. Selon eux, elle représente une tentative inacceptable de nier l’implication d’un grand nombre d’Allemands durant le régime nazi, et de renier les abominations des crimes de guerre par le silence. Un silence qu’Anselm Kiefer veut justement briser avec Le Bruit du temps (titre du recueil d’essais autobiographiques d’Ossip Mandelstam en 1925), et qui aspire ainsi à en finir avec ces années muettes.

Le documentaire en langage 3D de Wim Wenders articule la vie et l’œuvre de cet artiste polyvalent en un ensemble immersif d’impressions hétérogènes, de pensées poétiques de Paul Celan ou d’Ingeborg Bachmann, d’images d’archives et de fiction, d’œuvres constituées de strates, d’entrelacements de thèmes et motifs souvent repris de l’idéologie du Troisième Reich. À travers l’exploration labyrinthique de ses peintures, livres d’art et sculptures, dont les segments matériels témoignent de l’histoire de son corpus artistique, le film démontre comment Kiefer soulève la chape de plomb (métal qu’il coule sur certains de ses tableaux, par ailleurs) qui s’était installé en l’Allemagne, et offre sans indulgence son point de vue sur ce moment charnière de l’histoire. Enfants nés à «l’heure zéro», Anselm Kiefer et le cinéaste allemand (amis de longue date) ont tous deux grandi dans un pays en ruines, peuplé d’adultes qui voulaient oublier le passé. Après la «Trümmerliteratur» (littérature des décombres), c’est la «Trümmermalerei» (peinture des décombres) de Kiefer qui traite de l’anéantissement de soi et de la culpabilité envers la dénégation de la société allemande. Parce qu’ils ont tous «échoué à comprendre l’inconcevable», l’artiste pose, à travers ses œuvres, la question de la transmission de l’histoire, de la mémoire individuelle et sociétale, et de l’impossible représentation de l’Holocauste. Face à l’oubli et à l’horreur, seuls la nature, les mythologies grecque, nordique et mésopotamienne, la kabbale, l’alchimie ou la poésie, semblent donner un sens aux tourments existentiels de Kiefer.

Ainsi, durant deux ans, Wim Wenders reconstruit le temps kieferien, de l’enfance à nos jours, de la maison familiale aux anciens ateliers à Barjac (Gard) ou à Hornbach (Odenwald), à celui actuel de Croissy-Beaubourg (Seine-et-Marne), mais également aux salles du palais des Doges (Venise). Mêlant des scènes de fiction aux scènes réelles, le cinéaste invite le passé dans le présent, démontrant Kiefer comme l’acteur (narcissique, avouons-le) de sa propre vie. Après Pina (2011), long métrage magnifique sur la chorégraphe Pina Bausch, Les Beaux Jours d’Aranjuez (2016) et Présence (2022), Wenders offre avec Anselm - Le bruit du temps, un nouveau film immersif tridimensionnel un peu en perte de puissance.


Kim Figuerola

Appréciations

Nom Notes
Kim Figuerola 14