Killers Of The Flower Moon

Affiche Killers Of The Flower Moon
Réalisé par Martin Scorsese
Titre original Killers Of The Flower Moon
Pays de production USA
Année 2023
Durée
Musique Robbie Robertson
Genre Western
Distributeur Warner Bros.
Acteurs Leonardo DiCaprio, Robert De Niro, Lily Gladstone
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 909

Critique

Chef-d’œuvre incontestable, le dernier film de Martin Scorsese est tiré du livre éponyme de David Grann retraçant un sombre volet colonial de l’histoire des États-Unis: le massacre sous silence de la tribu amérindienne des Osages afin de leur soutirer terres pétrolières et richesse dans un Nouveau Monde où l’argent est déjà seul maître à bord d’un néocapitalisme purulent.

Il y a chez Martin Scorsese une dimension sacrée, un nouveau film est forcément un événement, mais l’on pouvait tout de même craindre l’essoufflement après le testamentaire The Irishman sorti quatre ans plus tôt qui semblait clôturer la boucle scorsenienne. Et pourtant, c’est la stupéfaction qui prévaut de le voir réinventer son propre genre à l’aune de ses 83 ans en découplant son «Rise and Fall» (Les Affranchis, Casino, Raging Bull ou plus récemment Le Loup de Wall Street) en une unique et vertigineuse chute dans les profondeurs d’une part obscure de l’histoire américaine dans son film le plus sombre et désespéré. Pendant plus de 3 h, tout espoir est tué par la mesquinerie abominable d’une troupe de parvenus venus détrousser les Osages, sans le moindre soubresaut d’humanité (la vie d’un Indien ne vaut rien aux yeux des colons blancs), d’un racisme total, et d’un élan colonial inhérent à l’histoire américaine avec ses meurtres de sang-froid et trahisons mafieuses dans une forme très «néo-western». Car l’enjeu est bien territorial, des espaces massifs (l’alignement des gisements de pétrole ou les milliers de vaches de terres agricoles en plan large) au plus confiné (l’intérieur des maisons de chacun devenant le terreau de guerres intestines). La conquête de l’Ouest fordienne est remplacée par la soif de l’or noir, la corruption et la fourberie ont remplacé les flingues et les canassons.

En chef de file, «King» William Hale (Robert De Niro), manipulateur qui s’accointe avec les indigènes pour mieux les trahir, nous rappelle le Jimmy Conway des Affranchis avec sa moue inimitable. À ses côtés, Ernest (Leonardo DiCaprio), un benêt débarquant de la guerre en faux héros, l’idiot du village au départ innocent, mais qui rapidement transformera sa naïveté en violence, devenant l’homme de main de Hale. Et puis un miracle, avec l’arrivée de Mollie (interprétée par Lily Gladstone, déjà appréciée chez Kelly Reichardt), une Osage qui détonne, non par la parole, mais l’aplomb d’un visage doux et digne.

Miraculeux, car le film aurait dû être écrasé par le stratosphérique duo DiCaprio/De Niro. Et pourtant, celle par qui l’éclaircie des ténèbres surgit, c’est Mollie, avec une grandeur d’âme qui saura toujours s’élever au-dessus de la mêlée gueularde (ces quelques séquences de communion à la nature en sont la preuve formelle). De la naissance foudroyante de son amour pour Ernest à la dignité face aux deuils consécutifs, jusqu’à ce face-à-face final où Ernest ose une dernière fois lui mentir dans les yeux (sur le poison qu’il rajoutait à son insuline, métaphore évidente du venin capitaliste inondant les veines de ce symbole de pureté) et Mollie se lever sans broncher, fermant la porte en clôture définitive de leur histoire d’un plan fixe spectaculairement tempéré.

Killers Of The Flower Moon est une immensité, il incorpore un versant politique encore inédit dans le cinéma de Scorsese (si l’on exclut l’histoire locorégionale de Gangs Of New York), une attaque frontale sur le despotisme capitaliste américain, une réussite technique implacable mais surtout une incroyable capacité de Scorsese à se confronter à ses démons originels (lui le fils d’immigré), faire vent debout au désespoir, à l’ignominie d’une histoire commune, sans jamais détourner le regard. Et savoir nous le faire tenir pendant 3 heures et 26 minutes d’une force ténébreuse et tellurique mémorable.

Pierig Leray

Appréciations

Nom Notes
Pierig Leray 19