The Old Oak

Affiche The Old Oak
Réalisé par Ken Loach
Titre original The Old Oak
Pays de production Royaume-Uni, France, Belgique
Année 2023
Durée
Musique George Fenton
Genre Drame
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Debbie Honeywood, Dave Turner, Ebla Mari
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 909

Critique

Ken Loach a 87 ans, une vitalité, une puissance émotionnelle et une humanité intactes. Après les splendides Moi, Daniel Blake et Sorry We Missed You, il nous bouleverse à nouveau jusqu’aux tréfonds avec The Old Oak. Du cinéma bien plus qu’humaniste (terme généralement attribué au réalisateur). Déchirant, profond, humain, utile, inspirant... pour tout dire, du cinéma indispensable.

Pour la troisième fois de suite, Ken Loach situe l’action dans le nord de l’Angleterre. La région est absolument sinistrée depuis que les mines des environs ont été fermées. Les habitants, désœuvrés et aigris, n’ont que leur vie dure, leur misère sociale et morale à proposer et à vivre. Il en va de même pour TJ Ballantyne qui garde ouvert, contre vents et marées, le petit pub local où il sert à boire à ses clients qu’il connaît tous depuis l’enfance. C’est alors qu’arrive avec sa famille Yara, une réfugiée syrienne, sans le sou et logée dans une maison au confort approximatif. Les autochtones, oubliés de leurs politiciens, vivant dans une commune où il n’y a plus ni travail, ni centre de loisirs, ni école, accueilleront avec mépris ces nouveaux arrivants. Petit à petit, Yara et TJ, mis en contact par leur intérêt commun pour la photographie, apprendront à s’apprivoiser ce qui bouleversera de manière de plus en plus humaine la vie de la communauté.

Ken Loach continue de dépeindre les laissés-pour-compte, mais son film est moins tragique que ses précédents. Il nous fait passer avec un brio inégalé de la tristesse à l’espoir, et assomme d’émotion sur la fin. Il nous démontre par l’image qu’un étranger, ou un ennemi, c’est quelqu’un avec qui on n’a pas partagé un repas. Il situe la majorité de l’action dans ce pub qui tombe en ruines, lieu de convivialité et de chaleur par excellence, qui porte, comme les habitants, les stigmates d’un passé aisé ayant progressivement dérivé vers un présent miséreux. Il ne fait nullement l’éloge de la charité, mais de la solidarité, ce qui n’est pas du tout la même chose. Le film est une réponse parfaite à certains slogans simplistes, à l’emporte-pièce, qui abondent en cette période d’élections. Non pas sur le plan des programmes politiques, car au fond Ken Loach ne fait pas de politique. Mais assurément sur le plan de l’humain... le cinéaste ne parle que de ça.

Comme dans ses précédents films là encore, Loach choisit des comédiens inconnus qui ont un passé, plus qu’une grande expérience d’acteurs. Il arrive à en tirer des sentiments, des regards, des intonations si vraies. Les deux principaux, Dave Turner et Ebla Mari, sont bouleversants de naturel, de même d’ailleurs que tous les seconds rôles qui parviennent souvent avec un regard, un silence, à en exprimer bien plus qu’avec un dialogue explicatif.

Sélectionné à Cannes et Prix du Public à Locarno, The Old Oak est la synthèse de tout ce que le cinéma peut avoir de beau, de noble, de nécessaire et parfois de miraculeux. Il s’agit peut-être du dernier film (de fiction, en tous cas) de Ken Loach, vu son âge et quelques allusions qu’il a pu faire lors d’interviews. Si cela se confirme, on le regrette, mais on le remercie chaleureusement et respectueusement. Pour toute son œuvre bien sûr, mais aussi pour ce film qui sera, dans ce cas, une fin de carrière éblouissante, témoignant d’une grande et belle jeunesse de cœur.

Philippe Thonney

Appréciations

Nom Notes
Philippe Thonney 19