Orlando, ma biographie politique

Affiche Orlando, ma biographie politique
Réalisé par Paul B. Preciado
Titre original Orlando, ma biographie politique
Pays de production France
Année 2023
Durée
Musique Arno Ledoux, Clara Deshayes
Genre Documentaire expérimental
Distributeur Adok Films
Acteurs Frédéric Pierrot, Virginie Despentes, Paul B. Preciado, Oscar S Miller, Ruben Rizza
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 908

Critique

1928 voit paraître le premier personnage transgenre de la littérature européenne: Orlando, qui fût sous la plume de l’écrivaine anglaise Virginia Woolf, homme, femme, amant puis amoureuse. Traversant les siècles sans jamais vieillir, questionnant sans relâche les mœurs et les identités établies, Orlando est invoqué dans ce premier long métrage du célèbre intellectuel Paul B. Preciado en sa figure romanesque, incarné tour à tour par ses pairs contemporains pour faire résonner leurs propres témoignages, ceux d’une époque en redéfinition identitaire.

Qui pourrait poser les mots d’une communauté déconstruisant les notions de genre? L’histoire sans doute, l’archive peut-être, mais assurément le film qui s’impose en lettre ouverte au portrait moderniste d’un Orlando aristocrate du 17e. Chaque séquence livre une parole singulière d’abord sous les lignes de Woolf où l’Orlando s’incarne constamment sous différents traits puis enclenche le témoignage d’une transformation toujours douloureuse du corps et de son rapport au monde. Chacun des vingt-six acteurs transsexuels ou non binaires, délivre sa vérité du combat tissé à travers les âges, les origines et les styles. Parfois entrecoupée de tirades déclamées la fraise au cou qu’on prendrait pour des versets liturgiques, la voix se fond en souffle et silence humanisant ces personnages de fiction ou rendant grâce aux guerriers d’une époque. Au-delà de la première strate, de ces paroles orchestrées en voix off par le réalisateur lui-même, se construit une narration de la «pratique» où la réflexion commence libre au pied d’un arbre puis s’enferme dans plusieurs espaces physiques. Marquant la frontière entre le conscient et le réel, de la salle d’attente d’un psychiatre à celle du bloc opératoire pour finir dans l’enceinte du tribunal, l’architecture du film rappelle que si la conscience de soi est intime, son application se heurte aux frontières sociétales, plébiscitées par le carcan institutionnel contemporain. Entre deux passages, deux étapes, les personnages se retrouvent entre eux pour converser d’hormones et d’humanité, dans des décors se voulant en carton-pâte, comme pour adoucir la violence d’un quotidien encore trop normatif. Nous sommes loin du sensationnalisme que l’expérience d’un tel objet peut induire, mais face à un puissant premier long métrage qu’on pourrait qualifier de documentaire expérimental, traitant de la philosophie de genre dans toute sa subtilité sur une mélodie punk et révoltée.

Emilie Fradella

Appréciations

Nom Notes
Emilie Fradella 16