Coup de chance

Affiche Coup de chance
Réalisé par Woody Allen
Titre original Coup de chance
Pays de production France, USA
Année 2023
Durée
Genre Suspense, Comédie dramatique
Distributeur Frenetic
Acteurs Melvil Poupaud, Valérie Lemercier, Niels Schneider, Lou de Laâge
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 907

Critique

Avenue Montaigne, à Paris, Fanny Fournier (née Moreau) croise un ancien camarade de lycée, qui lui avoue tout de go qu’il était alors fou d’elle. Il est à présent écrivain, et invite la femme mariée à déjeuner. Cette dernière va-t-elle rester fidèle à son riche mari amateur de trains électriques, ou céder au charme bohème de l’artiste? Poser la question, c’est déjà y répondre…

Woody Allen sort son cinquantième film en salle et on est en droit de se demander ce que le cinéaste a de nouveau à nous raconter; lui-même en a conscience, et joue avec nous - ses spectateurs, admirateurs ou détracteurs - de ce ronronnement attendu ou redouté. De fait, bien que ce film soit tourné à Paris et interprété dans la langue de Molière, tous les repères habituels sont là: des personnages appartenant à la bourgeoisie intellectuelle et artistique, les chassés-croisés amoureux entre la femme, le mari et l’amant - ce dernier étant un écrivain à l’amour-propre compliqué, au pantalon de velours côtelé trop large et aux réparties amusantes et philosophiques, que l’on retrouve dans presque tous ses films. Les personnages ont changé de langue, mais continuent à parler le langage de Woody Allen: tout leur passé est à New York, et il est fait référence à Gatsby le Magnifique dès les cinq premières minutes.

Bref, ici Paris n’est qu’un décor, un décor assumé de carte postale, tout aussi artificielle, mais plus honnête d’une certaine façon que dans Emily In Paris: Woody Allen n’essaie même pas de faire croire que la vie parisienne consiste effectivement à porter des cols Claudine, de manger des jambons beurre aux Tuileries ou de se rencontrer au Café de L’Epoque comme le fait son héroïne. Ce sont des clichés sans importance; ce n’est qu’une façade - et Vittorio Storaro photographie avec complaisance beaucoup de façades typiquement haussmanniennes dans Coup de chance, qui donnent au choix sur des appartements invraisemblablement vastes, des bureaux de détective privé ou des soupentes à tomettes (appartement de l’écrivain, vous l’aurez deviné) - porteuse de références chères à l’auteur. Le cinéaste s’est fait plaisir en filmant Paris et ne se cache pas de vouloir montrer la ville telle qu’il la voit - à 87 ans, on ne lui en voudra pas.

En d’autres termes, non, Woody Allen ne se renouvelle pas, et la vérité est qu’il s’en soucie guère. On a crié à la réinvention du cinéaste en 2005 lors de la sortie de Match Point, mais c’était oublier que le film était un remake à peine masqué de Crimes et délits (1989).

Coup de chance est du même ressort, mais Woody Allen joue de façon vicieuse sur ce ressort: dès le générique, avec la police employée en blanc sur fond noir, les situations, le phrasé des personnages, on est en terrain familier. Tout est cousu de fil blanc. Et puis, au milieu du film, il y a la rupture de ton, suffisamment brutale pour que l’on passe les 3/4 d’heure d’après à se demander comment tout cela va finir: tout était jusque-là, en somme, trop familier, ronronnait trop, et le cinéaste de nous démontrer que, loin d’être gâteux, il sait trancher dans le vif et nous emmener où bon lui semble jusqu’à la dernière minute, sans que l’on soit capable de prédire comment il va conclure.

Et pourtant, lorsque les lumières s’éteignent, on ne peut s’empêcher de se dire avec ce sentiment mêlé de déjà-vu: c’est bien du Woody Allen. Coup de chance n’est pas une comédie romantique, c’est un film à suspense déguisé en vaudeville, avec une entraînante bande-son jazzy qui opère un contrepoint faisant ressortir la cruauté de l’intrigue, façon Anton Karas dans Le Troisième homme. Ce cinquantième film est en somme, à l’échelle de la filmographie de Woody Allen, à l’image de cette bande-son répétitive et jazzy: des variations sur un même thème. Non seulement le cinéaste ne prétend à rien d’autre, mais il le fait avec une maîtrise indiscutable.


Rodolphe Bacquet

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