Le Sens du chaos

Affiche Le Sens du chaos
Réalisé par Yoann Roig
Titre original Le Sens du chaos
Pays de production Suisse
Année 2023
Durée
Musique Alexis Ottet
Genre Drame, Fantastique
Distributeur KAVEA
Acteurs Eros Macchia, Berivan Tiryaki, Amy Lally, Derek Simon Robin, Luca Tomaselli
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 907

Critique

Entre mythologie et réalisme, la dépression d’un jeune adulte est dépeinte à travers un récit initiatique, mettant en lumière la question du moi et de son double. Bien que le premier long métrage de Yoann Roig traite d’un trouble mental courant, le scénario d’Eros Macchia peine à refléter la profondeur de ce sujet de société complexe.

Éros (Eros Macchia), jeune adulte de 23 ans, entre dans une profonde dépression, après une vaine tentative de drague lors d’une soirée au bord du lac Léman. Cet événement social anodin devient le révélateur d’un mal-être refoulé qui l’isole peu à peu de sa sœur Zephira (Berivan Tiryaki) et de son meilleur ami Angelo (Luca Tomaselli). Dans la solitude de son appartement lausannois, une lutte psychologique s’engage entre lui et Ryan (Eros Macchia), son double chimérique. Afin d’échapper à l’aliénation identitaire, Éros est de ce fait contraint de partir dans les Alpes, au Verdamnthorn (le Pic des Damnés), et de se confronter à Marlay (Amy Lally), jeune montagnarde rebelle et fragile.

Le Sens du chaos se structure en deux parties distinctes: l’effondrement du moi et la recherche du moi réel. La première est exprimée par les séquences en ville, la seconde, dans les montagnes suisses. Mêlant un langage cinématographique réaliste à des effets visuels empruntés au genre fantastique, ce récit initiatique se veut à la fois mythologique et freudien. Alors que les prénoms (Éros et Zephira) et le sens allégorique du film sont repris de la théogonie grecque, la question du moi et de son double renvoie à la notion de l’inquiétante étrangeté (Das Unheimlich). Selon Sigmund Freud, la construction du «moi» est infailliblement accompagnée de son double. Ce dernier, souvent idéal, peut à tout moment se modifier en un reflet inquiétant. Si le refoulé (secret et caché) devient le familier et le visible, il génère par conséquent un état angoissant. Pour Jacques Lacan, le miroir est la représentation de l’unité et de la cohérence du moi. Fragmenté, il devient le symbole d’une relation spéculaire en crise. La séquence où le visage d’Éros se réfléchit dans un miroir brisé (scène classique maintes fois reprise au cinéma, par ailleurs), est l’emblème de l’anéantissement du moi. Les apparitions du double sont également des hallucinations qui équivalent aux visions en miroir. Ainsi, le Ryan imaginaire est le moi idéal «hollywoodien» qu’Éros souhaite être. Il est Ryan Gosling, Jack Ryan (série télévisée, 2018) ou James Francis Ryan (Il faut sauver le soldat Ryan, 1998). Il est l’Autre, incomparable, qui met Éros à sa merci et l’assujettit à la dépression et à la dévalorisation de soi. Ainsi, s’émanciper du joug de son double est pour Éros un combat douloureux mais salvateur.

Nourri d’un désir de transmettre un message saisissant, Le Sens du chaos est hélas truffé de dialogues banals, de lieux communs, de pensées rebattues, qui ne reflètent pas la complexité du sujet traité. Au lieu de saisir la dépression à bras-le-corps, le film ne semble que l’effleurer, et ce malgré les confrontations verbales et physiques. Nous nous posons dès lors la question d’un choix assumé du cinéaste et scénariste suisse de transposer le témoignage d’Éros (exprimé par des regards caméra récurrents) en un conte universel qui autoriserait tout un chacun à s’y identifier plus aisément. Œuvre filmique prometteuse, ponctuée de belles séquences de montagne, le premier long métrage de Yoann Roig gagnerait en profondeur si les émotions étaient exprimées sans grand discours.

Kim Figuerola

Appréciations

Nom Notes
Kim Figuerola 10