Le Grand Chariot

Affiche Le Grand Chariot
Réalisé par Philippe Garrel
Titre original Le Grand Chariot
Pays de production France, Suisse
Année 2023
Durée
Musique Jean-Louis Aubert
Genre Drame
Distributeur Sister Distributions
Acteurs Aurélien Recoing, Louis Garrel, Esther Garrel, Damien Mongin, Lena Garrel, Francine Bergé, Mathilde Weil, Asma Messaoudene
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 907

Critique

Dans un décor de bois peint, un père de famille fait perdurer la tradition des marionnettistes. Le Grand Chariot, dernier film de Philippe Garrel et nom de la compagnie d’artistes de son film, explore le fractionnement d’un artisanat bientôt dépassé. Tandis que les liens familiaux se mêlent, s’entremêlent et se rompent, la troupe tente de raconter encore les histoires de Polichinelle.

Rarement on aura vu un film aussi autofictionnel, par ses choix de casting d’abord, le cinéaste mettant à l’honneur ses trois enfants, Louis, Esther et Lena Garrel. Par ses choix scénaristiques ensuite, le père de Philippe Garrel ayant été marionnettiste avant d’être comédien. De fait, dans ce récit écrit à huit mains, les Garrel se réunissent derrière le rideau et la caméra, jouant dans un film qui met en lumière la famille et l’art du spectacle. Ainsi, le père et ses enfants constituent une troupe qui propose les pièces de Polichinelle. Un autre personnage, Pieter, viendra les rejoindre pour alléger le travail du père dont le corps commence à fatiguer. Il illustre les décors et joue les scènes en attendant de pouvoir se consacrer à sa passion, la peinture. Figure de l’artiste tourmenté joué par Damien Mongin, Pieter évolue main dans la main avec la destruction. Destruction d’abord de son couple qu’il quitte à la naissance de son fils. Destruction ensuite de sa place au sein de la troupe qu’il quitte pour la peinture. Destruction finalement palpable de ses toiles, jetées sur les rails du métro parisien. Pour faire contrepoids de cette figuration sombre de l’art, Louis Garrel représente le succès qui couronne le talent. Des marionnettes il se sépare pour jouer avec son propre corps au théâtre. Les deux filles quant à elle s’accrochent au rêve du père jusqu’à l’épuisement. La famille actuelle, déjà dépassée, tourne et joue en boucle des histoires du passé, à l’instar de la grand-mère narrant l’époque de la guerre dans des tirades décousues. Le théâtre de bois a perdu son éclat et c’est un orage à la hauteur des plus grands décors qui décide du sort final de la troupe. Se réinventer ou périr.

Le long métrage raconte avec à l’appui une voix over et des fondus au noir l’absence de place pour les traditions, qui devront s’adapter pour ne pas disparaître. Discours sur l’évolution artistique mais aussi politique: les luttes engagées à gauche par la grand-mère sont perpétuées par la plus jeune sœur qui participe à des actions des Femen. Ce dernier sujet entre en dialogue direct avec le contexte de sortie du film. En effet, difficile de passer à côté de celui-ci: le journal Mediapart a publié fin août un article dans lequel plusieurs femmes accusent le cinéaste de propositions sexuelles déplacées et de gestes non consentis. Pour un film si proche de la réalité de son auteur et qui plus est s’engage sur le terrain des actions féministes, ce double discours est retentissant. La question ne se pose pas quant à la distinction à faire entre l’artiste et son œuvre: si la presse s’appuie si ouvertement sur la vie de Garrel pour révérer son dernier film, le travail des critiques doit aussi se faire dans l’autre sens. C’est encore plus nécessaire dans le cas du film de Garrel qui a, rappelons-le, gagné l’Ours d’argent de la Meilleure réalisation à la 73e Berlinale.

Film lent racontant la vie d’une famille d’artistes souhaitant vivre de leur art progressivement oublié, Le Grand Chariot devra être jugé sur son contenu autant que sur le contexte médiatique dans lequel il voit le jour.

Appréciations

Nom Notes
14
Marvin Ancian 10