Le Crépuscule des jours

Affiche Le Crépuscule des jours
Réalisé par Felix Tissi
Titre original Aller Tage Abend
Pays de production Suisse, Italie
Année 2022
Durée
Musique Joana Aderi
Genre Comédie dramatique
Distributeur Xenix
Acteurs Julia Brendler, Vilmar Bieri, Bodo Krumwiede, Marcus Schäfer, Sandro Di Stefano
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 906

Critique

Dans la veine des œuvres de Roy Andersson, Felix Tissi explore avec beauté les affres de la fin de vie.

La principale caractéristique formelle rappelant l’illustre cinéaste suédois est la présence quasi permanente de plans fixes et très longs, ici souvent frontaux, qui permettent à Tissi d’observer ses personnages avec une certaine distance. Cet usage du plan-séquence immobile témoigne d’une grande sobriété: il s’agit de ne surtout pas parasiter les scènes de la présence trop démiurgique du metteur en scène. Dans ce même esprit, le cinéaste suisse s’emploie à évider les plans; par exemple, lorsqu’il filme une rue, il lui importe que celle-ci soit totalement vide - exception faite, évidemment, des personnages. Ce minimalisme fait tendre l’œuvre vers une forme abstraction, de dématérialisation, laquelle s’accorde totalement avec le fond qu’elle développe. Narrant en effet les errances de plusieurs personnages âgés, Le Crépuscule des jours explore toutes sortes de thématiques liées à la vieillesse: la solitude, les regrets, la mélancolie, l’inéluctabilité de la mort… L’abstraction est alors un moyen «d’arrêter le temps», comme le dit à un moment le personnage de vieil horloger incarné par Sandro Di Stefano, d’offrir aux personnages un espace mental qui leur permettent l’introspection, le retour sur leurs existences déjà presque envolées.

Le film se caractérise donc par sa dimension statique, et, on pourrait dire, a-narrative. Ce n’est alors pas pour rien si le montage est tenu à sa plus simple expression de collure des plans-séquences entre eux. Chaque situation semble posséder son autonomie propre, laquelle est augmentée par les fréquents plans noirs qui interviennent entre elles.

Mais cette logique du film qui tourne en rond dans le vide qu’il s’est créé vaut essentiellement pour sa première moitié. Un élément, ou plutôt un personnage vient perturber cette belle mécanique: il s’agit de la Mort elle-même, incarnée par un homme vêtu d’une cape noire (Marcus Schäfer), sortant d’une limousine pour accomplir sa besogne - on pense forcément à la limousine d’Holy Motors -, émanation bergmanienne qui affirme encore plus la dimension philosophique et idéaliste du métrage. La plus belle idée du film réside alors dans le fait que lorsque la Mort intervient pour la première fois, le montage devient plus conventionnel et plusieurs scènes se mettent à adopter une certaine continuité faite de raccords (champs-contrechamps). Ainsi, le «propos» du Crépuscule des jours semble être une réaffirmation du caractère proactif de la mort face à l’enfermement statique de la «condition humaine».

Et pour finir, on n’oubliera pas de mentionner la chose peut-être la plus importante sur ce film: sa drôlerie. Son humour absurde qui se déploie dans la longueur des plans-séquences, non content d’être plutôt efficace, se marie en plus parfaitement avec le fond du métrage, affirmant la quête de sens de ces existences drolatiques que le spectateur a sous les yeux.

Comme son illustre collègue suédois, le cinéaste schaffhousois s’emploie à distiller des situations et à les observer par des plans fixes et souvent frontaux. Emprunte d’abord l’art du plan fixe. Le Crépuscule des jours est en effet un film qui, malgré sa brièveté, prend le temps, en disposant de situations qu’il se plaît à étirer jusque dans leurs absurdités.

Tobias Sarrasin

Appréciations

Nom Notes
Tobias Sarrasin 14
Anthony Bekirov 7
Noémie Baume 15
Noé Maggetti 15