Le Retour

Affiche Le Retour
Réalisé par Catherine Corsini
Titre original Le Retour
Pays de production France
Année 2023
Durée
Genre Drame
Distributeur Agora
Acteurs Aïssatou Diallo Sagna, Esther Gohourou, Suzy Bemba
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 903

Critique

Sélectionné en compétition officielle au récent Festival de Cannes, le nouveau film de Catherine Corsini reprend à son compte, avec force mais maladresse, la thématique du transfuge de classe.

 

Khédidja et ses deux filles, Jessica et Farah, retournent le temps d’un été en Corse, qu’elles ont habitée plusieurs années auparavant et quittée dans des circonstances mystérieuses. Khédidja est chargée de garder les enfants d’une famille bourgeoise pendant les vacances, tandis que les deux adolescentes se livrent à leurs oisivetés estivales. Jessica, l’aînée, prototype de la transfuge de classe qui s’émancipe par son parcours scolaire, s’éprend de l’aînée de la famille bourgeoise susmentionnée. De son côté, Farah lézarde avec des jeunes prolétaires du coin.

Ce contraste dans les vécus des deux sœurs, que d’aucuns pourraient estimer trop binaire, a le mérite d’incarner efficacement le gouffre s’installant et de plus en plus se creusant entre elles. En se plaçant sous l’égide de la tradition naturaliste française, le film n’est pas dénué d’une certaine justesse dans sa captation réaliste de plusieurs situations qui racontent matériellement ce gouffre. Par exemple, pendant que Jessica s’intègre dans certaines soirées « cool » et y consomme de la drogue avec ses amies branchées, Farah vend cette même drogue dans le but de se faire un petit pécule avec ses amis petits délinquants. Ainsi, l’opposition de classe se trouve quintessenciée dans l’opposition vendeur-consommateur.

Corsini s’emploie également à ausculter l’entrechoquement des différentes visions du monde de ses personnages. Ayant incorporé certaines normes hétéronormatives, Khédidja et Farah voient la relation lesbienne de Jessica d’un œil pour le moins circonspect, alors que Jessica a acquis le capital culturel pour « déconstruire » ces normes. La déconstruction est donc présentée comme un privilège de classe. Ce genre d’observation, certes peu original, semble très pertinent et fait de Le Retour une œuvre toujours passionnante du point de vue des thématiques qu’elle charrie.

Cependant, et c’est là où le bât blesse, la richesse thématique ne suffit pas pour pleinement nous convaincre. La mise en scène est dans Le Retour somme toute assez plate, adoptant un pseudo-style « pris sur le vif » peu inspiré. Nous noterons également des dialogues parfois maladroits, pour ne pas dire mauvais. Certaines répliques trahissent l’ambition réaliste du métrage au profit d’un surlignage balourd. La parole a régulièrement vocation à rendre explicites des idées suggérées par le visuel, donnant l’impression d’un film emprunté et trop didactique – didactisme qui est un défaut décidément très répandu dans le cinéma contemporain.

En somme, Le Retour, s’il reste un film très intéressant par rapport aux questions politiques qu’il pose, d’autant plus à l’heure actuelle où la France est marquée par de vives tensions sociales, donne l’impression d’un film emprunté, frustrant, dont la puissance réside surtout dans sa note d’intention.

Tobias Sarrasin

Appréciations

Nom Notes
Tobias Sarrasin 10