Les filles d’Olfa

Olfa est mère de quatre filles. Pourtant, dans ce film à l’interface entre documentaire et fiction qui raconte son histoire, nous n’en verrons que deux, les benjamines. En effet, les deux plus âgées ont disparu, « mangées par le loup »… Pour les incarner à l’écran, la réalisatrice Kaouther Ben Hania a fait appel à de jeunes actrices, tout comme à Hend Sabri, qui jouera le rôle d’Olfa dans les scènes trop difficiles émotionnellement. Ce dispositif très intéressant fait toute l’originalité de l’œuvre (et permet d’observer d’un œil nouveau le métier d’actrice et acteur, surtout lorsqu’il s’agit d’interpréter une personne « réelle »), mais empêche dans le même temps de s’immerger totalement dans ce qui est narré. Malgré (ou peut-être à cause de) son intelligence, il casse l’émotion et nous fait douter de la réalité des événements dépeints, voire leur confère une dimension quelque peu superficielle. Ce qui est bien dommage, car le propos du film (que nous ne révélerons pas entièrement) est assurément important et percutant, explorant le destin tragique de femmes tunisiennes, mais illustrant aussi leur force et leur résilience. Les protagonistes de ce documentaire fictionnalisé ne sont d’ailleurs pas forcément des plus sympathiques, à l’instar d’Olfa, brisée par des failles et traumatismes de son enfance, qui reproduit le même schéma sur ses filles. Il est alors intéressant de voir comment son double cinématographique, Hend Sabri donc, remet en question ce comportement tout en essayant de comprendre ses motivations. S’il est louable de se pencher sur de telles histoires et de s’aventurer à expérimenter avec les formes hybrides qu’offre le médium filmique, Les filles d’Olfa ne gagne que partiellement son pari en échouant à emporter ses spectatrices et spectateurs.