Land of Dreams

Affiche Land of Dreams
Réalisé par Shirin Neshat, Shoja Azari
Titre original Land of Dreams
Pays de production USA, Qatar, Allemagne
Année 2021
Durée
Musique Michael Brook
Genre Comédie dramatique
Distributeur Cineworx
Acteurs Matt Dillon, William Moseley, Isabella Rossellini, Sheila Vand
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 903

Critique

Simin travaille pour le gouvernement américain, elle fait du porte à porte dans un Far West moderne où elle croisera la route de troublantes personnalités afin de collecter et enregistrer leurs rêves. Derrière ce procédé abstrait et dystopique se dessine un brûlot anti-US frontal: le fameux rêve américain vient se briser face au racisme social et au contrôle des masses.

 

Le postulat de départ est simple mais alléchant : le gouvernement américain décide d’enregistrer les rêves des citoyens afin de mieux les contrôler. Et les premières minutes laissent à penser à un jeu lynchien poreux entre rêve et réalité. Simin (Sheila Vand) s’amuse à grimer les rêves de ceux qu’elle interroge : une vieille femme blond platine partage un cauchemar où elle se découvre pétrifiée, ses jambes de couleurs rouge sang. Simin s’empresse de recréer la scène à son domicile et la partager sur les réseaux sociaux. Et puis, c’est Richard Kelly qui est convoqué par une lecture burlesque d’une Amérique corrompue et dérivante (on pense bien sûr au personnage de Patrick Swayzes dans Donnie Darko, la société de l’image de Southland Tales, ou le choix cornélien capitaliste de The Box). Dérivante par une toute-puissance religieuse et son Dieu manichéen (« God bless America »), ne tranchant qu’entre paradis et enfer, la surveillance des masses (Simin fait miroiter aux interrogés que raconter ses rêves serait pour leur propre protection), l’ultra-capitalisme et sa caste raciale (le racisme omniprésent) et bien sûr, la stigmatisation et la mise au ban des Arabes dans la société américaine (Simin est d’origine iranienne et va servir d’appât pour pénétrer une enclave arabe imagée par une colonie iranienne coupée du monde). Les saynètes s’additionnent plus qu’elles ne coagulent dans une forme de liste scolaire, les cases se cochent, il n’y a plus de place à l’interprétation, mais plutôt à un drôle de jeu de devinettes : qui désormais va y avoir droit ? Cette mécanisation scénaristique étonne, lorsque l’on sait que c’est l’immense Jean Paul Carrière qui en est à l’origine, l’un de ses derniers écrits avant sa disparition en février 2021.


La sirupeuse utopie d’une Amérique libre et égalitaire se fracasse contre le rocher du racisme et de la paranoïa, de cette soi-disant protection contre l’ennemi extérieur alors que l’œil orwellien de Big Brothers nous observe, et désormais, épie jusque dans nos rêves. Malheureusement, le film se perd par sa redondance, le surappui de son message et l’addition de ses images (chaque ethnie y passe, Améridien, Mexicain, Afro-américain). On pense rapidement à Nadav Lapid et son merveilleux Genou d’Ahed, pamphlet anti-israélien bien plus convaincant dans sa forme, et l’on reste donc accroché par la thématique engagée, mais sur le quai par sa réalisation. Tout semble « de trop » dans ces dédales de personnages caricaturaux, jusqu’à sa fin, bricolée en procès kafkaïen où comme une illumination abstraite, Simin comprend enfin qu’elle est du mauvais côté (pour cela, il fallait tout de même une voix d’outre-tombe pour l’expliciter).


Land of Dreams, c’est un peu comme une crise de nerfs : tout semble à vif, désordonné, impulsif. Trop en dire, trop en faire, mille idées en tête, et pas vraiment la distance nécessaire pour installer un pamphlet, le maîtriser. Mais surtout, il aurait fallu l’édulcorer pour en tirer une sève acide et pugnace, plutôt qu’une sauce à peine piquante à l’arrière-goût trompeur.


Pierig Leray

Appréciations

Nom Notes
Pierig Leray 13