Love Life

Affiche Love Life
Réalisé par Koji Fukada
Titre original Love Life
Pays de production France, Japon
Année 2022
Durée
Musique Olivier Goinard
Genre Drame
Distributeur Sister Distribution
Acteurs Fumino Kimura, Tomorowo Taguchi, Tetta Shimada, Kenta Nagayama, Atom Sunada
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 902

Critique

Le cinéaste japonais Kōji Fukada à qui l’on doit les excellents Sayōnara et Harmonium (primé à Cannes), nous propose avec Love Life un drame réaliste autour d’une famille qui traverse un deuil et doit réapprendre à « aimer la vie » (love life). Mais le drame tourne au mélo larmoyant, bien moins subtil que ses précédents opus.


Le poète japonais Kobayashi Issa (1763-1828) composa en 1819 un célèbre haïku : « Ce monde de rosée/Est un monde de rosée, et pourtant/Et pourtant ». (Tsuyu no yo wa/Tsuyu no yo nagara/Sarinagara). Ce petit texte, il l’a composé peu de temps après la mort de sa fille aînée Sato, décédée de la variole qui ravageait alors le pays. Le deuil, Issa l’aura connu toute sa vie durant. Surmontant coup sur coup le décès de ses proches et de son mentor, il part en pèlerinage à travers le pays pour y trouver matière à composer. C’est à l’âge tardif de 52 ans qu’il pense avoir trouvé un semblant de bonheur dans son premier mariage. Éphémère pourtant, car les quatre filles, parmi lesquelles Sato, qui naîtront de leur union décéderont prématurément, avant que ce ne soit au tour de sa femme, qui succombera à la maladie.


C’est envahi par la tristesse qu’Issa écrit donc les vers ci-dessus. Dans ce bas monde, tout est appelé à disparaître, fragile comme la rosée qui apparaît une nuit et s’évapore déjà au matin. C’est là l’ordre immuable des choses. Et pourtant, nous dit le poète, et pourtant je ne peux m’y résoudre. La vie est rare, mais il ne faut pas la haïr. Tout autour de nous périt, mais il faut continuer à aimer ce qui est appelé à périr.


Le film de Kōji Fukada, dont le scénario est adapté d’une chanson homonyme d’Akiko Yano de 1991, aurait très bien pu être un hommage à la vie d’Issa. Taeko (Fumino Kimura) et Jirō (Kento Nagayama) sont les heureux parents du jeune Keita (Tetta Shimada). Mais un jour, un jour comme n’importe quel autre, Taeko a le malheur de laisser la baignoire remplie d’eau alors que son fils joue. Et soudain, la tragédie, hors champ et silencieuse, car la mort ne survient pas toujours dans un fracas.


Sous la laque brillante de cette famille nucléaire surgissent alors des lézardes anciennes. Jirō n’est pas en réalité le père biologique de Keita : il s’agit de Park (Atom Sunada), l’ex-mari coréen et sourd-muet de Taeko, qui avait disparu de sa vie jusqu’à ce que le deuil ne les rapproche à nouveau. Malgré l’insoutenable sentiment de culpabilité de Taeko, malgré les difficultés de Park à communiquer et malgré la jalousie déplacée de Jirō, les trois devront apprendre ensemble à vivre en dépit du désespoir.


Et Fukada est un cinéaste immensément habile à suggérer les drames sourds qui traversent notre quotidien. L’arrière-plan fantasque de son film Sayōnara (2015) – une étrangère vivant avec son assistante androïde dans un Japon en pleine apocalypse nucléaire – n’offusquait jamais le propos principal qui était le sentiment d’aliénation d’une jeune femme face au monde. Si le rythme posé seyait particulièrement bien à ce film car il faisait d’autant mieux percevoir la catastrophe imminente, force est de constater que Love Life est trop long et trop lent pour son propre bien. Plutôt que nous raconter une progression dans la vie intérieure de ces personnages, Fukada opte, par conscience ou par mégarde, pour une narration en saynètes qui peinent à former un tout cohérent, mais qui rivalisent par contre en mielleux. Difficile alors d’être émus par autre chose que la mise en scène, toujours impeccable.


Quant au poète Issa, il finit ses jours sans joie. Son second mariage ne survit pas aux difficultés financières et aux crises d’épilepsie qui paralysaient souvent Issa. Il ne put profiter longtemps de ses troisièmes fiançailles à l’âge vénérable de 64 ans, car un incendie détruisit sa maison, quelques mois seulement avant que lui ne s’éteigne. Gageons qu’il savait encore, même au seuil de la mort, apprécier la rosée du monde.

Anthony Bekirov

Appréciations

Nom Notes
Anthony Bekirov 10
Pierig Leray 15