La Dernière Reine

Affiche La Dernière Reine
Réalisé par Damien Ounouri, Adila Bendimerad
Titre original The Last Queen – El Akhira
Pays de production Algérie, Qatar, France, Taïwan, Arabie Saoudite
Année 2022
Durée
Musique Evgueni Galperine, Sacha Galperine
Genre Historique, Drame
Distributeur First Hand Films
Acteurs Dali Benssalah, Adila Bendimerad, Nadia Tereskiewicz
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 902

Critique

Dans ce drame historique, nous suivons la princesse Zaphira, personnage mythique de l’histoire d’Algérie. Un film en costumes qui a davantage de valeur en tant qu’essai sur le rapport d’un pays à son histoire, quand cette dernière a été écrite par les colons.


Alger, 1516. Le pirate Barberousse (qui a vraiment existé) repousse les Espagnols d’Alger. La population l’accueille en liesse comme un héros. Mais l’émir de la ville Salim Toumi ainsi que sa femme Zaphira restent prudents face au corsaire connu pour servir davantage ses intérêts personnels que son pays. Et leurs craintes se confirmeront rapidement, car un soir Barberousse commandite l’assassinat de l’émir et brigue le pouvoir. Dirigeant désormais la capitale avec une main de fer (il a littéralement une main de fer), le pirate impose sa loi. Si ce n'était pour Zaphira qui lui tient tête. Mais plutôt que la tuer elle aussi, Barberousse en tombe amoureux, et tentera de conquérir son cœur.

La Dernière Reine est un film en costumes digne d’une époque révolue de Hollywood, qui plaira davantage aux amateurs de John Huston que Pirates des Caraïbes. Il faut souligner l’effort mis dans la reconstruction de décors et la confection de costumes qui offriront à qui l’aiment de la splendeur, du spectacle, bref, de l’aventure. Les cinéastes, Adida Bendimerad (actrice, réalisatrice, productrice, scénariste, et interprète de Zaphira dans le film) et Damien Ounouri (cinéaste documentaire à la base, dont le moyen métrage Kindil El Bahr avait été présenté en avant-première à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes en 2016) voient grand pour leur premier long métrage de fiction.

Mais quelque chose, et même quelques choses sonnent creuses. La beauté esthétique déjà pâlit rapidement dès que la caméra se met en mouvement, comme si le tout avait été filmé en DV. À la limite, passons, car d’aucuns argueront que le style survit toujours à la technique. Reste la question épineuse de l’histoire dans l’Histoire. Dans un entretien pour First Hand Films, Bendimerad mentionne, à juste titre, que la réalité du personnage de Zaphira semble d’autant plus subir une remise en question par l’historiographie qu’il s’agit d’une femme. En revêtant le statut de mythe, Zaphira gagne en symbolique mais perd en visibilité, comme si une femme forte et indépendante ne pouvait être que « mythologique ». Et le projet de ce film est donc de réinsérer Zaphira dans l’Histoire et d’en réaffirmer la valeur.

Cependant, les historiens ne doutent pas de l’existence de Zaphira – seulement – parce qu’elle est une femme, mais parce que nous savons qu’elle est sortie tout droit du crâne d’un émissaire français (la nation colonisatrice tout de même) dans des mémoires publiés au 18ème siècle (voir l’édito à ce sujet). Sans doute inspiré par les Mille et une nuits ainsi que la mode en France alors du roman épistolaire, Jacques Philippe Laugier de Tassy a fantasmé une reine africaine qui pourrait plaire au lectorat bourgeois.

Zaphira est donc autre chose qu’un mythe, c’est un topos littéraire, une idée qui peut s’adapter aux besoins et aux goûts de l’époque. Et force est de constater que la Zaphira de Bendimerad et Ounouri correspond très bien aux idéaux progressistes et féministes actuels. Tant et si bien qu’elle apparaît justement comme dépouillée de toute cohérence historique car trop anachronique, alors que le reste des personnages agissent à la lettre de la tradition.

En résulte un film étrange dont le propos demeure saumâtre. Mais, à nouveau, si vous êtes là pour de l’action sanguinolente et des romances impossibles, vous y trouverez votre compte.

Anthony Bekirov

Appréciations

Nom Notes
Anthony Bekirov 8