Chevalier Noir

Affiche Chevalier Noir
Réalisé par Emad Aleebrahim Dehkordi
Titre original A tale of Shemroon
Pays de production Iran
Année 2022
Durée
Genre Drame
Distributeur Cinéma City-Club de Pully
Acteurs Masoumeh Beygi, Payar Allahyari, Iman Sayad Borhani
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 900

Critique

Le premier long métrage d'Emad Aleebrahim Dehkordi, aux allures de conte, part d'un fait divers pour esquisser la trajectoire de deux frères, l'un au comportement irréprochable, l'autre en perdition. 

 

Dès le plan séquence d'ouverture, Iman nous entraîne dans des méandres nocturnes. Sans ses clés, il doit, comme un voleur, passer par le toit pour rentrer chez lui. Des mouvements de caméra fluides suivent le protagoniste qui se soustrait d'abord au regard avant d'être, au plan suivant, cerné par les bords du cadre. La fuite est impossible, le destin semble déjà scellé. Les avertissements n'y feront rien : un accident avec un oiseau, interprété par Iman comme un signe de mauvais augure, ne le détournera néanmoins pas longtemps de sa trajectoire. Malgré un habitat dans un quartier favorisé de Téhéran (Shemroon), Iman, son petit frère Payar et leur père vieillissant, avec qui celui-là est en conflit, vivent dans un appartement qui tombe en ruine. Pour se faire un peu d'argent, le grand frère voit dans le trafic de stupéfiants un bon filon, plutôt que d'accepter de vendre le terrain dont lui et sa famille héritent suite au décès récent de leur mère.

La morale du conte semble résider dans une alternative incarnée par les deux frères : lutter patiemment pour survivre (Payar est champion de box thaï) ou persévérer dans l'illusion que l'argent facile est une solution. En montage alterné, on suit leur quotidien. Pourtant, et c'est là l'un des points faibles du film, Iman est le seul personnage véritablement consistant. Les autres servent surtout à l'avancée narrative (on ne verra par exemple jamais Payar en vouloir à son frère suite à un événement qui l'exigerait toutefois). Au contraire de ces derniers, Iman, antihéros attendrissant, est ambivalent et complexe. Son impulsivité et sa violence contrastent avec une forme de douceur et de complicité avec son entourage.

Quelques plans en focalisation interne, par exemple lorsque, drogué, il roule trop vite avant de heurter l'oiseau, peuvent cependant laisser songeur. Mais cet écho à un mode de narration propre aux jeux vidéo traduit l'effet d'irréalité dans son rapport au monde – ce qui ne sera pas sans conséquence sur son entourage.

Tourné pendant la pandémie, Le Chevalier noir laisse la ville hors champ pour filmer les personnages en plans rapprochés. Comme si l'étouffement éprouvé par Iman contaminait le décor. Ni échappatoire ni horizon donc qui invitent à un ailleurs, malgré le choix d'un format Scope. Les rares fois où l'échelle de plans offre une vue panoramique, la surexposition ou la nuit homogénéise le paysage, comme pour signaler que l'étau ne peut se desserrer.

Quant au son, la manière notamment dont des bruits isolés se détachent du silence, donne une impression de réalité remarquable. On pardonne alors bien volontiers les quelques faiblesses narratives, pour se laisser impressionner par les qualités formelles de ce premier long métrage d'Emad Aleebrahim Dehkordi.

Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 15
Marvin Ancian 16